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Un peu de... Tranches de vie - Le premier texte



Avant le blog il y a eu le réseau social. C'est là que j'ai commencé à partager des petites réflexions, des épisodes, des blagues. Ici le premier texte un peu plus long, un peu plus "écrit", un peu plus "récit", un peu moins neutre, que j'ai osé lancer dans l'arène des "likes" (la boule au ventre). Je le dépose ici, tel quel.


Ecrit le 2 Avril 2016


Bon ben, depuis quelques semaines il y a ce monsieur assis sur les marches d'une banque à côté de mon boulot. Il a son gobelet, il fait la manche, mais de manière "douce": le gobelet à côté de lui, il regarde les gens passer, il sourit, il attend et ne dit jamais rien. Il est étranger, c'est sûr, mais de quel pays, je n'en sais rien. L'âge? Entre 30 et 50, va savoir. Je suis nulle à ce jeu là. Je ne sais plus comment, on commence à se dire bonjour, tous les matins, tous les soirs, ou quand c'est mon tour d'aller chercher les sandwiches pour toute l'équipe. Est-ce lui qui a commencé? Probablement, ou alors moi, en réponse à son sourire. "Bonjour Madame", tous les jours, plusieurs fois par jour parfois. Des fois je suis pressée, des fois je suis agacée, parce que je me dis qu'il attend que je lui donne de l'argent. D'autres je suis attendrie par sa gentillesse. J'essaie de décoder son sourire, parce que parfois ses yeux ne sourient pas. Par lassitude, par colère, par fatigue? Est-il bienveillant envers moi ou est-ce qu'il me hait, obligé qu'il est de mendier et de sourire à tout le monde? Est-ce un manipulateur, est-il vraiment pauvre? Est-il un réfugié de la vague actuelle, celle pour laquelle j'ai été manifester en famille il y a quelques mois? Des fois je me dis que je devrais lui laisser une pièce, mais alors quoi, tous les jours? Ca fait combien par mois? Des fois j'ai envie de lui ramener un sandwich, mais lequel, qu'est-ce qu'il aime? Qu'est-ce qu'il peut manger? Et comme ça, au fil des semaines, je m'habitue à lui, dès que j'arrive au carrefour avant la porte du centre, je le cherche du regard et je prépare mon bonjour en traversant la rue. Par la force des choses, je pense à lui tous les jours, quelques secondes, parfois quelques minutes. Parfois je me sens coupable, parfois je me dis que je suis mieux que tous ceux qui passent à côté sans le voir. Bref, je me pose toutes les questions que nous nous posons tous, n'est-ce pas? Nous tous qui vivons à Bruxelles, ou qui y venons souvent, nous tous qui prenons les métros, passons à côté des gares, dans les grandes rue commerçantes... Et quoi, c'est la première fois que tu vois quelqu'un faire la manche? C'est la première fois que ça te questionne ou quoi? Ben, non bien sûr, la plupart d'entre vous me connaissent et connaissent un peu mon travail dans l'associatif... D'ailleurs, je me suis toujours dit que ça me dispensait de donner de l'argent, parce que "j'aide d'une autre manière". Je ne sais pas pourquoi avec lui ça a pris plus de place dans mon quotidien. Quoi qu'il en soit, hier, je pars la dernière de mon boulot. Le matin il n'était pas là, ça arrive ces derniers temps, fatalement je le remarque. J'écoute de la musique, j'ai mes écouteurs. Il me dit "Bonjour Madame" et je lui souris, je fais un signe de la tête. Je le dépasse et du coin de l'oeil, je le vois remuer ses lèvres. Il me parle? Je reviens un peu en arrière, j'enlève un écouteur. "Pardon?" Il me regarde droit dans les yeux. "Moi, mardi, fini ici, moi partir". Je suis un peu chamboulée: "Ah bon? Mais où ça, où allez vous?" Il fronce les sourcils, me sourit gêné, il ne comprend pas ma question. Son regard part au loin. "Moi mardi, fini ici. Moi partir. Ici pas travail". "Mais où ça, où allez vous?" Même sourire gêné. Je ne pense même pas à essayer en anglais. Je lui tend la main, sans réfléchir, il est surpris, mais me tend la sienne. On se serre la main. "Que tout se passe bien alors" Quelle connerie. Il me sourit, met la main sur son coeur et baisse les yeux. Je pars vite, je ne sais pas quoi faire, quoi dire. Un type au feu rouge, qui a observé la scène, me regarde et me sourit à son tour. Est-il touché, moqueur, amusé? J'ouvre mon sac, je fouille, je trouve un billet de cinq euros et j'y retourne, moi qui ne donne jamais jamais d'argent, je le lui tend. Je me sens bête, je ne souris même pas, il remet la main sur le coeur. "Merci madame". L'ai-je vexé? Espérait-il plus ou une autre forme de soutien? Oui, je me sens bête. Je marche et je me dis que je pourrais revenir en arrière et lui demander qui il est, essayer de savoir où il va aller et de quoi aurait-il besoin. Je continue à marcher, un bus arrive, je traverse vite et cours pour l'attraper. Je suis dedans, je me sens triste mais je ne veux pas pleurer devant des inconnus. Je me dis alors que j'écrirai tout ça en guise d'au revoir. Bonne chance, monsieur. Je ne sais pas qui vous êtes, mais je pense à vous.

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