top of page

POST RÉCENTS : 

ME SUIVRE : 

  • Facebook Clean Grey
  • Twitter - Grey Circle

Un peu de... réflexions: La rentrée


Quand j’étais petite, à cette époque, je pouvais « sentir » la rentrée. La plupart du temps, je revenais des vacances en famille à la mer, à Montesilvano, dans un hôtel qui a été le théâtre de certains de mes plus beaux souvenirs. Ou encore de la montagne, à Campo Felice, où ma tante avait un tout petit appartement. J’y vivais des aventures incroyables avec mes cousins adorés. Certains étés, j’avais la chance de profiter des deux. Les grandes vacances passaient en un éclair, mais semblaient avoir duré une éternité.

Ma peau brunie avait cette odeur caractéristique que laissent le soleil et le vent sur un enfant qui a grandi sans s’en rendre compte. Je guette la même odeur sur la peau de mes petites, aujourd’hui.

La phase de déprime totale commençait sur le trajet du retour, s’installait au moment des pleurs dans mon lit, une fois à la maison, et s’évaporait dans des volutes de nostalgie, à cette période.

Ce n’est pas une correspondance exacte en termes de mois-calendrier: en Italie, dans les années ’80 et ’90, l’école ne reprenait pas avant la mi-septembre. Et fin août, nous pouvions compter encore sur un bon mois de plein soleil. Quand je dis: « cette période », j’entends « juste avant de retourner sur les bancs ».

Je pouvais donc « sentir » la rentrée et je commençais à être contente. De retrouver les copains, la meilleure amie. Le garçon que j’aimais bien, de loin (il perdait vite ce statut: changer d’ « amoureux » faisait partie de la rentrée). Je pouvais sentir l’excitation qui montait à l’idée de toutes les nouveautés qui s’annonçaient, les bonnes et les mauvaises. Les camarades de classe qui auraient déménagé entre temps, ceux qui les remplaceraient, la ronde des institutrices. Des fois, c’était moi qui changeais d’école, parce qu'un cycle était fini ou que j’avais déménagé moi-même.

En famille, nous avions inventé un mot pour définir cet état: c’était la « strippolina » La « strippa » en dialecte romain, c’est la peur; la « strippolina » était plus positif, un état diffus de trac chargé d’adrénaline. Il m’arrive encore aujourd’hui, en papotant avec mon frère, de dire : « c’est strippolinant ». Nous avons traduit ce mot, incompréhensible pour d’autres, en français.

Il y avait aussi les achats de fournitures… Le bonheur! L’odeur des cahiers vierges… Dont la première page blanche allait être remplie de manière très soigneuse. Le soin allait en diminuant au fil des jours, bien sûr, mais cette première page ne devait contenir aucune rature, quitte à l’arracher (ainsi que la dernière qui lui faisait pendant) et à tout recommencer. Le parfum des mines des crayons, de la colle qu’il fallait s’empêcher de sniffer toutes les cinq minutes, de l’encre des mes bics préférés.

Puis, surtout, l’achat du journal de classe. A ma connaissance, en Italie, la plupart des écoles ne le fournissaient pas. Je ne sais pas si c’est bien ou mal, ce que je sais, c’est que le choix du journal de classe était crucial… Il y en avait de toutes tailles et de toutes couleurs, avec les personnages de tous les dessins animés/séries/films pour enfants, des marques de vêtements à la mode, des stars et idoles du moment. Il fallait qu’il soit coloré, mais pas voyant, qu’il fasse pas « bébé », mais pas trop austère. Original, mais pas marginal. Le critère principal: qu’il y ait beaucoup de place pour écrire - pas les devoirs! Qui ne prenaient que deux-trois lignes. La place était nécessaire pour marquer la pensée du jour, ces slogans qu’on voit aujourd’hui sur notre fil d’actualité FB comme si c’était la vérité incarnée; les listes: amis-ennemis, chouette prof-mauvais prof; les petits mots d’amour qui ne seraient jamais lus par les intéressés; les petits dessins quand on écoute pas vraiment la leçon; les images découpées dans les magazines, parfois des vraies photos; les petits messages du « compagnon de banc ». Parfois ils n’étaient qu’apparence et ne traduisaient pas les vécus les plus sombres de leur propriétaire, d’autres devenaient des véritables journaux intimes, inaccessibles à tous sauf aux « vrais » meilleurs amis, ceux à qui « on dit tout ». Ceux à qui on s’expose sans crainte, sans se douter que pour grandir il faut apprendre à garder certaines choses pour soi, au moins dans un premier temps, et à leur donner forme avant de les adresser.

Les journaux de classe étaient un concentré de vie, une fenêtre aveuglante ouverte sur une période de dix mois.

Tout cela pour dire: nous sommes à deux jours de la rentrée, en tout cas du 1er septembre, date qui marque une fin et un début, une transition, selon les découpages que nous utilisons pour rythmer notre vie. Bien sûr, c’est une construction. Beaucoup d’entre nous sont rentrés depuis longtemps de congés, d’autres partent à peine, d'autres encore n'ont pas bougé. Les enfants, s’il y en a, ne retournent pas à la même date à l’école. Certains n’éprouvent le changement que parce que il y a plus de bagnoles sur la route, plus de gens dans les transports en commun, plus de stress dans l’air. D’autres s’en rendent compte parce qu’on n'arrête pas d’en parler autour d’eux et cela les dérange. Ne pas « sentir » la rentrée est rare, quelle que soit la situation, en bien ou en mal.

Je ne sais pas si le concept de rentrée est bon ou mauvais, en soi, comme tout concept, cela dépend de comment on le vit et de ce qu’on y met. Comme toutes les dates symboliques, il peut constituer un signal d'alarme, un appui, un repère positif pour donner du sens, faire le point, prendre de l’élan, ou que sais-je. Je ne sais pas si en tant qu’adulte il est possible de le vivre avec la même intensité qu'en enfance. Mais tant qu’à faire, dans cette rentrée un peu particulière pour moi, sous forme de métaphore très personnelle, qui ne se veut pas superficielle… Et malgré toute l’actualité dans laquelle nous baignons…

Je nous souhaite à tous de choisir le journal de classe parfait, de le remplir de vie. De rêves, de projets à réaliser, de nouvelles adresses, parfois de choses difficiles pour ne pas les oublier, de peu de devoirs et de beaucoup d’envies, d’images qui deviendront des souvenirs. Je nous souhaite de prendre le temps de sniffer la vie, de s’en saoûler, comme dans une papeterie.

Et enfin je nous souhaite que tout cela soit teinté d’une bonne et saine dose de « strippolina ».

Posts similaires

Voir tout
RSS Feed
bottom of page