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Un peu de... lecture pour le mois sans HORECA (et avec couvre-feu, etc.) - Mon #metoo


Texte écrit en pleine vague #metoo, en novembre 2017. Parce qu'il m'est encore arrivé des choses similaires ces derniers temps, depuis le premier confinement. Parce qu'il y a des sensibilisations et dénonciations à mener encore et toujours. Parce que je m'y intéresse de plus en plus, notamment au cyber-harcèlement. Parce que je m'expose de plus en plus sur les réseaux. Parce que j'ai assisté à des choses terribles. Parce qu'on en parle encore souvent, entre collègues, amies. Parce que j'ai deux filles. Parce que...

J’ai vraiment hésité à écrire et publier ce statut.

Pourquoi?

J’avoue, je me suis dit: ce n’était pas si grave. Et aussi: ça ne m’est pas arrivé si souvent. Puis: ça ne m’a pas traumatisée, non plus. Ou encore: il y en a tellement qui subissent bien pire, une fois, souvent, parfois, tous les jours. Alors, moi, ma petite anecdote…

Autre argument: je ne veux pas participer à un buzz avant d’être sûre des enjeux. Je ne veux pas faire n’importe quoi, n’importe comment. Je ne veux pas que ce soit détourné pour dire n’importe quoi, n’importe comment. Je ne veux pas que ce soit repris pour mener des batailles qui ne sont pas les miennes.

Ensuite, j’ai pensé: ben, je n’ai qu’à mettre le hashtag sans plus, je serai solidaire, puis c’est tout. On passe à autre chose. De toute façon, je le sais, tout le monde le sait, qu’est-ce que ça change?

Non, faire les choses à moitié ne me convient pas. Je le fais pas du tout, ou alors jusqu’au bout.

Finalement, je me suis décidée. Ce qui m’a décidée, n’est pas de voir combien de mes contacts féminins l’ont affiché. Je ne suis pas du tout surprise.

Beaucoup de professionnels de l’humain comme moi, pourraient affirmer ce qui suit: si vous saviez, tout ce que j’entends, dans mon bureau, tous les jours, de tous les mois, de chaque année…

Et mes copines, mes amies, ce qu’elles m’ont déjà raconté…

Donc, ce qui m’a décidé, c’est de voir quelques commentaires de contacts hommes, sincèrement surpris et affligés de découvrir l’ampleur du phénomène. Là, je suis touchée, je veux bien participer à cette sensibilisation, avec ma petite pierre, aussi insignifiante qu’elle puisse paraître.

J’ai passé en revue tous les épisodes vécus qui se rattachent à la thématique.

Je ne compte même pas les remarques anodines, les blagues dites en passant.

J’ai eu bien sûr mon lot d’exhibitionnistes, dès mes 17 ans, dans des gares semi-désertes aux alentours de Rome, en rentrant de mes cours de natation ou de mes après-midis entre amis.

J’ai eu mon lot de dragueurs lourds aussi. Où est la limite entre un compliment qui fait plaisir et du harcèlement? Dans l’intention de celui qui énonce, dans le vécu de celui qui reçoit? Un délicat et complexe équilibre entre les deux? Je n’ai pas la réponse.

J’ai eu mon lot d’épisodes de vie affective/amoureuse/sexuelle où à la fin on ne sait pas si on avait vraiment envie que cela se passe ainsi, pas tout à fait ou pas du tout.

J’ai de la chance. Je n’ai jamais vécu le harcèlement au travail.

Je n’ai jamais été agressée physiquement, bien que là aussi j’ai connu quelques frayeurs et bien que j’aie été inconsciente ou insouciante des risques que je prenais, par le passé.

J’ai de la chance. La plupart du temps, quand je marche je suis dans mes pensées. Je regarde mes pieds et je ne remarque rien. Parfois je n’entends rien, il faut m’appeler plusieurs fois pour attirer mon attention. Dans les transports je lis, je lis tellement fort que je suis dans ma bulle, là aussi, c’est une protection efficace. Quoique, il m’est arrivé que des hommes s’assoient à côté de moi et commencent à lire des passages de mon livre à haute voix, pour que je les regarde. Depuis, je cache parfois des couvertures, ou des titres ou des passages qui pourraient prêter à des interprétations à double sens, ou carrément explicites.

C’est bien triste, cela fait partie de ce que je mets en place pour avoir un quotidien tranquille.

J’ai de la chance. Dans la plupart des ces situations, m’éloigner, me rapprocher de quelqu’un d’autre, répondre de manière à ne pas montrer ma peur et/ou de manière agressive, courir loin, faire semblant de prendre mes clés comme si j’étais arrivée chez moi, de téléphoner ou d’apercevoir une connaissance ont suffi.

J’ai de la chance. Il ne m’est jamais rien arrivé de grave.

Quelle tristesse. Nous en sommes là, à affirmer que nous avons de la chance quand il ne se passe rien. Ou rien de grave.

Rien? Grave? Où sont les curseurs?

Il y a treize ans, je me rendais à un de mes premiers rendez-vous avec l’homme qui est ensuite devenu mon compagnon.

Je m’étais fait belle. Oui, consciemment. J’avais mis une jupe courte et moulante, un haut seyant, je m’étais maquillée et j’avais accordé mes accessoires et les couleurs. J’avais lavé mes cheveux et je les avais savamment arrangés pour encadrer mon visage. Je me sentais bien dans ma tête et dans mon corps, parce que j’étais en train de tomber amoureuse. Le but était de me sentir belle et sexy. Pour lui, pour tout le monde, quelle importance? J’avais l’impression que c’était plutôt réussi.

En plein après-midi ensoleillé, dans un centre-ville rempli de monde, j’arrive sur le lieu du rendez-vous. Il n’y est pas. J’attrape mon gsm dans mon sac et je l’appelle. On s’est mal compris, il est un peu plus loin, sur une autre place. Pendant qu’il m’explique, un homme s’approche et se met à marcher à mes côtés.

-Ca va, ma belle?

Je ne réponds pas, je lui montre le téléphone. Il ne lâche pas et continue à me parler dans l’oreille. Je ne comprends plus rien aux explications de Jules, je suis profondément agacée, mais je n’ai pas peur. Je le regarde de travers. Rien. Il continue à trottiner près de moi, il parle sans discontinuer.

-Attends deux secondes, Jules, il y a un mec qui m’ennuie. Monsieur, je suis au téléphone et je n’entends rien, vous ne voyez pas que je suis occupée? Vous voulez pas me laisser tranquille?

Un florilège d’insultes se déchaîne. Je vous assure, à une vitesse et avec une violence qui m’ont glacé le sang. Comme s’il n’attendait qu’un mot de ma part pour laisser libre cours aux obscénités.

La phrase la plus élégante a été, je crois:

-Sale p..e, je t’enc..e profond avec ma grosse b..e.

Je l’écris tel quel, avec des points pour ne pas être censurée à l’envers, parce que ce sont ces mots là, cette agression là qui écorche les oreilles que j’ai dû entendre.

Après deux-trois secondes où je l’ai regardé ébahie pendant qu’il me postillonnait dessus, j’ai hurlé aussi. Je ne sais plus ce que j’ai dit. J’ai hurlé dans la rue, tout en reprenant à marcher vers Jules. Je courais presque, envahie d’une rage sans nom.

Quand j’ai commencé à accélérer, il s’est arrêté et a continuer à crier ses insultes de loin, pendant longtemps. Je ne sais pas si les gens nous regardaient.

Je parlais toute seule pour ne plus l’entendre. Je me suis sentie très seule au milieu de tout ce monde.

J’ai rejoint Jules au bord des larmes, ravagée, le coeur en tempête et surtout, surtout mortifiée et humiliée.

Puis, le temps passe et on enterre, on oublie les émotions éprouvées, on le raconte encore parfois, on en rit! Il y a pire!

Combien de ces kystes infectes chacune de nous cache à l’intérieur d’elle-même?

Dans un monde "évolué", où « nous sommes quand même bien avancés par rapport à d’autres », voilà, nous sommes réduits à dire que nous avons de la chance, ou pas, qu’il y a pire, ou pas, que c’était pas grave ou grave.

Et donc, pour tout cela, je décide de l’écrire:

Et maintenant?

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