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Un peu de... livres: "Les Yeux Rouges" (Myriam Leroy). Le pour et le pour.


Je suis en retard. Clairement.

Du moins sur mon petit planning personnel qui n’intéresse pas grand monde.

Je savais que « Les yeux rouges », deuxième roman de Myriam Leroy, allait sortir le 14 août. Je le savais depuis des semaines, que dis-je! Des mois. Pas besoin de le noter dans mon agenda, la date était gravée dans mon esprit. J’exagère à peine. Je n’exagère pas, en fait.

Bon, je savais que je serais en vacances au moment de la sortie. Dilemme. Le précommander, pour le trouver à mon retour? Oui, mais peut-être pourrais-je l’acheter en France, le jour de sa sortie… Je ne l’ai pas trouvé dans la petite supérette de la pourtant magnifique station où j’ai séjourné. Ni dans les magasins d’autoroute, sur le trajet déprimant et pluvieux du retour.

Je suis rentrée un samedi soir, le 17 août. J’ai dû finalement attendre le mardi 20 août pour découvrir mon propre exemplaire.

Et là, pour montrer un peu l’effet que ce livre m’a fait, il faut que je précise deux, trois trucs.

Depuis le tout début du mois d’août, je suis occupée à lire le même livre (nous sommes le 18 octobre au moment où j’écris ces lignes). Ce qui est absolument extraordinaire, étant donné qu’en temps normal, je lis plusieurs bouquins par mois: deux, trois, quatre, parfois, ça dépend. Et là, rien, depuis très exactement deux mois et demi, je suis engluée dans le même interminable roman, ce qui commence à devenir une expérience passablement pénible. Et je ne l’ai pas encore fini.

Cet exploit à l’envers, n’est pas dû à la qualité du bouquin -que je ne citerai pas- mais au fait que depuis début août j’ai basculé dans une période assez bizarre de ma vie, période critique dont un des effets est que visiblement je ne parviens pas à lire plus que quelques pages par jour.

Soit. Tout ça pour dire: la seule goulée d’eau dans le désert actuel de ma vie de lectrice, a été le roman de Myriam Leroy. Lu en trois jours, bam, commencé le 18 au soir fini le 20 au matin, pour être précise.

Ca donne une idée de la puissance de l’oeuvre, enfin, j’espère. Sinon j’aurais raconté tout ça pour rien.

J’ai attendu encore de longues semaines avant de rédiger ces lignes, parce que tant qu’à être en retard autant attendre d’aller écouter Myriam Leroy en parler, ce que je n’ai pu faire qu’hier soir- enfin!

« Les yeux rouges » n’est pas passé inaperçu, c’est le moins qu’on puisse dire.

Le thème qu’il aborde, le cyber-harcèlement visant des femmes, en l’occurrence des femmes exposées médiatiquement et qui ont une voix et beaucoup de choses intéressantes à exprimer par cette voix, est en pleine résonance avec l’actualité et avec tous les mouvements de pensée, d’action, de création que cette actualité éveille.

Voilà un grand mérite de ce livre. Pour les lecteurs non-avertis, ceux et celles qui ne se sont jamais intéressés à ces questions, ou qui les ont banalisées, « Les yeux rouges » sera sans doute une grosse claque. Ils et elles seront probablement très mal à l’aise.

Et c’est très bien, pour un début de changement de représentations.

Ce ne sera pas assez, si la réaction s’arrête là et que le public qui aurait accroché aux questionnements ne devait pas se rendre compte que, sans se situer dans l’autobiographique, rien, absolument rien n’est inventé dans ces pages. Et que des faits semblables arrivent tous les jours, plusieurs fois par jour, partout dans le monde.

Le livre n’a pas été une claque pour moi. Simplement parce que les prises de conscience ont commencé à surgir en moi, plus ou moins violemment, depuis quelques années déjà. Notamment à partir de l’autrice de ce livre, Myriam Leroy, en suivant ses chroniques, en écoutant ses interviews, en appliquant ses « conseils » culturels, en échos à ses « coups de coeur ». Puis en réfléchissant à toutes ces questions, en faisant entrer tout ce matériel en résonance avec mon histoire, mon expérience, mes formations…

Tout ce qui était dans le livre, je connaissais déjà, je fais partie, comme d’autres, du public averti… Tristement averti, au fond.

Ce qui n’a absolument pas empêché que je sois captivée par l’histoire qui est contée dans ce bouquin. La tension y est savamment instillée, il faut se rappeler de respirer entre deux pages.

Et, à mon sens, on ne parle pas assez de la grande qualité littéraire de « Les yeux rouges »: le procédé narratif. La protagoniste, sorte de double romanesque de l’autrice, parle à la première personne, mais elle ne relate que ce qu’on lui dit et ce qu’on dit d’elle: le harceleur, l’entourage, le compagnon, puis les médecins, gourous, policiers, avocats. Elle se dessine en filigrane de ces dires, de ces remarques, insultes, jugements. Nous n’aurons accès à son vécu que vers la toute fin, pendant quelques pages.

C’est un tour de force dont la réussite est impressionnante et le résultat assez puissant.

Autre qualité: le langage utilisé est celui des messageries instantanées, des réseaux sociaux, puis celui des conversations avec les proches et les intervenants.

Pas simple d’en faire du langage écrit, abréviations et emojis y compris.

Là aussi: pari gagné. L’équilibre entre l’oral, l’écrit 2.0 et l’oeuvre littéraire est atteint de manière subtile. Le récit ne sonne pas faux, ni artificiel.

Quelques lignes, le début, pour illustrer:

« Il s’appelait Denis. Il était enchanté.

Nous ne nous connaissions pas, mais lui savait fort bien qui j’étais. Il m’écoutait à la radio, il appréciait beaucoup mon travail qu’il suivait de près et sur lequel il pouvait même se poser en exégète, LOL, raison pour laquelle il se permettait cette intrusion sur Facebook (en espérant qu’elle ne me gêne pas). »

La chute, ou plutôt, la dégringolade, aux enfers s’ensuit. Nous y assistons impuissants. Avec toutes nos représentations, nos préjugés, nos contradictions qui volent en éclats.

Sensations fortes, donc, mais l’humour de M. Leroy ne peut pas s’absenter de sa plume. Son ironie cinglante non plus. Ils sont présents notamment dans les parties où la protagoniste tente désespérément de soigner ses symptômes somatiques (la souffrance qui s’inscrit dans le corps, de manière radicale) en faisant appel à toutes sortes de médecins et guérisseurs, à travers des rencontres improbables et surréalistes (mais qui ne sont pas vraiment inventées, non plus).

Evidemment, on ne se marre pas. Mais il est possible alors de se mettre à une certaine distance des événements, salutaire et temporaire, avant de replonger dans le vif du harcèlement et de ses conséquences dévastatrices.

Que dire de plus? Qu’il faut le lire si ce n’est déjà fait?

Ben, ça me paraît évident.

Le risque serait d’ouvrir les yeux et/ou changer un peu de point de vue, et/ou de renforcer/nuancer les arguments, de réfléchir! autour de questions essentielles, qui ne peuvent plus être ignorées ou passées sous silence.

Et, à côté de cette dimension « claque/prise de conscience », il y a là un bon moment de lecture à passer et une belle expérience littéraire à vivre.

(Si on me connaît, on pourrait croire que je suis si élogieuse parce que j’apprécie beaucoup et j’admire l’autrice de « Les yeux rouges ». Ce n’est pas un secret, et le caractère éminemment subjectif de mes petites chroniques est totalement assumé et nécessaire à mon écriture.

Mais le lien est à faire dans l’autre sens. Je l’apprécie, je l’admire et je suis élogieuse précisément parce que Myriam Leroy est à même d’écrire un livre comme « Les yeux rouges ». Je ne suis peut-être pas féministe grâce à elle, mais elle y est pour beaucoup, de sa place d’autrice, journaliste, chroniqueuse, dans le processus qui m’amène à l’assumer et à le construire de mieux en mieux. Merci, donc, en passant).

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