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Un peu de... fiction: Ersatz - Déclinaisons d'une douleur.


J’ai séduit Manuel à la fête d’anniversaire d’un ami. Moi, je voyais très bien qui il était, mon ami m’en parlait souvent, depuis des années. Je l’avais déjà croisé aussi, à d’autres occasions, il y a un bout de temps. Il y a six mois, ce type ne m’aurait pas regardée une seconde, même pas du coin de l’oeil.

A l’anniversaire, je l’ai eu en trois regards et une phrase. A peu près.

Bon, en réalité ce jour là j’étais habillée de manière à ce qu’on ne puisse pas me louper: robe noire moulante, sandales à talons hauts. Je me sentais très belle. Je me sentais regardée. J’étais « la fille en noir » comme quelques mecs présents m’avaient surnommée au fil de la soirée. Pas difficile d'imaginer qu'il m'avait déjà remarquée.

Une fois que j’ai été prête à attaquer, très tard dans la nuit, je me suis juste arrangée pour danser près de lui. J’ai cassé son coup avec une pointe de culpabilité, pour avoir déjà été à l’autre place, mais, j’avoue, avec beaucoup d'amusement. Deux, trois sourires directs et la rousse qu’il avait déjà emballée et pesée a disparu de son esprit. Je l’ai vu se passer en direct: l’image de cette fille est sortie de sa tête et dans ses yeux il n’y avait plus que moi.

Comme si je l’avais ensorcelé.

J’ai continué à danser près de lui, à le frôler, le regarder par en-dessous. Et à un moment, je me suis approchée de son oreille et je lui ai dit une connerie pour commencer à parler. Il ne m’a plus lâchée de toute la soirée. Il me touchait tout le temps, revenait près de moi, me parlait sans cesse, je n’arrivais plus à vraiment danser.

Ca faisait du bien. Un bien fou.

Le problème, c’est qu’il ne me plaisait pas tant que ça. Une fois prouvée l’efficacité de mes nouveaux super pouvoirs de séduction, il ne m’intéressait que parce qu’il me désirait et que son désir m’insufflait un tout petit peu de vie, comme dans une marionnette qui risque de s’affaisser. Il ne m’attirait pas autant qu’Alex, même si, sur papier, je me rends compte qu’il était plus beau que lui.

Avec Alex, c’était spécial, animal, magnétique. Mais Alex n’était plus là.

Manuel est donc resté des heures avec moi, me bouffant du regard, sans vraiment essayer quoi que ce soit.

Finalement il m’a embrassée juste avant que je parte.

Je l’ai invité à me raccompagner à ma voiture, ça s’est emballé. Il était cuit, il me faisait sentir son excitation à travers nos vêtements, il m’embrassait et touchait partout. J’aurais pu coucher avec lui, il suffisait d’ouvrir la portière et hop, dimanche à 7h du matin, personne en vue. Je n’en avais pas vraiment envie. Je n’accrochais pas à l’odeur de sa peau. Je ne décollais pas vraiment. J’étais fatiguée, debout depuis près de 24h d’affilée.

Au fond, son seul tort était de ne pas être Alex. S’il avait été Alex, même au bord de cette nationale pourrie en plein jour, j’aurais juste baissé ma culotte et écarté mes cuisses sur le capot de ma bagnole.

Comme je le fais à chaque fois, je n’ai pas pu m’empêcher de prendre son numéro de téléphone. J’ai demandé son contact sur les réseaux sociaux. Ça m’amusait qu’il veuille autant me revoir. Piège que je sais devoir éviter, mais dans lequel je tombe immanquablement. Quand apprendrais-je à juste baiser un soir et puis disparaître, quoi qu’il arrive, même si l’autre veut me revoir?

On s’est donc revus une fois. Avant le rendez-vous, j’ai pleuré en regardant une photo d’Alex. Après le rendez-vous aussi.

Nous avons été boire un verre. Je ne savais pas si en arrivant je devais l’embrasser ou lui faire la bise. Ça a été un mixte des deux. C’était très agréable de discuter avec Manuel: il était drôle, intelligent, il aimait parler et avait plein de trucs à raconter, puisqu’il a vécu pas mal d’expériences. Il écoutait aussi, il posait des questions. Qu’est-ce qu’un mec ne ferait pas au début, pour coucher avec une jolie fille. Me donner cette impression d’être spéciale, intéressante: ça marche à tous les coups avec moi.

Bon, il bâillait un peu trop souvent. Et puis, il ne me touchait pas, on ne s’effleurait pas les mains, on ne s’embrassait pas, c’était bizarre. Il était venu à vélo, moi en bus. Si tout ça devait se terminer au lit, je me demandais bien où nous allions aller et comment.

Bref, après deux verres et toute cette conversation, moi ça montait: j’avais envie de le toucher et qu’il me touche aussi.

On s’est retrouvés dans un parc, sur un banc, comme des ados.

C’était drôle et en même temps bof, pas le rêve non plus.

Je ne suis pas honnête là.

Avec Alex je pouvais être n’importe où dans la nature, dans un ascenseur, une cage d’escaliers, même sur une passerelle en bois en plein milieu de la forêt: tout allait de soi, tout était électrisant. Et Alex, après, il me ramenait tout le temps chez lui, dans son lit. Toujours. Et il ne voulait pas que je reparte, mais je devais toujours repartir.

Donc, avec Manuel, on n’a pas baisé, parce que j’avais mes règles. Moi ça m’embête pas, les règles pendant le sexe, mais j’avoue: comme première fois ce n’est peut-être pas super. Et sur un banc dans le noir, ça le fait moyen. Lui, en tout cas, ça ne l’emballait pas du tout, il ne voulait même pas que je le dise: « Tu ne peux pas mettre ta main dans ma culotte parce que j’ai mes règles ». Il m’a coupée au milieu de ma phrase: « Chuuuut…» Ca m’a fait chier d’ailleurs, ma fibre féministe a morflé.

Et après ça, il m’a largué une semaine plus tard, sans que nous ayons vraiment conclu.

Enfin, ce n’était pas vraiment larguer. Il a commencé à ne plus répondre à mes messages tout de suite, puis à ne les regarder que quand ça l’arrangeait, puis à ne plus rien liker sur mon profil après deux, trois jours où il « aimait » à peu près tout ce que je publiais.

Le bouquet a été d’annuler en dernière minute (bon, deux heures avant) notre rendez-vous suivant, demandé par moi, et comme il me faisait languir depuis une semaine, qu’il avait totalement renversé la situation de « qui court après qui », j’ai cessé de lui envoyer des messages pendant deux jours. Il n’a pas réagi.

Va savoir ce qui se passe dans la tête de ce genre de gars. Où était passé son désir, même pas vraiment assouvi?

L’explication la plus simple aurait été, bien évidemment, qu’il ait rencontré quelqu’un d’autre. Il y a toujours une autre fille à pourrir la vie. J’ai aussi été parfois l’autre fille qui pourrit la vie, alors, c’est de bonne guerre, je suppose.

Ça se trouve c’était la rousse de la fête.

Ça se trouve ce n’était pas une autre fille.

Son désir envolé était aussi mystérieux que le fait que je me retrouvais là à pleurnicher et me sentir nulle à cause d’un gars qui ne m’intéressait pas plus que ça au départ, que je ne connaissais pas deux semaines avant et avec qui il ne se passait plus grand chose d’agréable depuis les trois premiers jours.

Qu’est-ce qui est plus énigmatique?

Un gars fou de toi qui cesse de s’intéresser sans explication et qui te laisse en bord de route juste quand toi ça commence à t’emballer un peu?

Ou une fille amoureuse d’un autre qui tout a coup ne supporte pas que ledit gars ne la regarde plus, qu’il ne la désire plus et qui se met dans tous ses états pour ça?

Encore une fois, je ne dis pas toute la vérité: je n’étais pas vraiment libre. Ni sur papier, ni dans ma tête. Je me plaignais de ne pas avoir la priorité de Manuel, alors qu’il n’avait pas la mienne non plus et que je ne lui avais pas donné accès à grand chose de moi (ceci n’est pas une métaphore sexuelle.)

C’était juste que ça devait être simple et agréable, je voulais passer du bon temps, et finalement, c’était compliqué, ça faisait chier, et ça commençait à faire souffrir et à faire ressortir de la merde. A quoi bon? Il était évident qu’il fallait arrêter les dégâts et pourtant je luttais et je m’accrochais à chaque minute.

Pour ne pas craquer, ne pas le contacter ou essayer de le revoir je me répétais:

« Je vaux mieux que ça. Je ne vais pas ramper pour aller me faire baiser. Il ne me plaisait pas plus que ça. Je n’accroche pas à l’odeur de sa peau. J’étais excitée quand on s’embrassait et on se touchait un peu, mais je jouis toujours en pensant à Alex, pas à lui. Nous sommes très différents et n’avons absolument rien en commun. Ni quoi que ce soit à faire ensemble »

Ça n’a pas marché, j’ai fini par craquer. Je ne sais pas pourquoi je n’ai pas pu m’en empêcher. Il n’a pas répondu. On ne s’est plus revus.

J’ai pleuré, un peu, et mon orgueil a eu du mal, beaucoup, à s’en remettre.

J’ai eu peur d’avoir perdu mes super-pouvoirs. Mais non, finalement. Je les teste presque tous les jours: quand je veux être regardée, j’y arrive, la plupart du temps (il y a des limites aux super pouvoirs.)

Manuel n’a été qu’un pont, un pont qui d’une drôle de manière, m’a aidée à traverser l’abîme ouvert en moi par la rencontre avec Alex. De l’autre côté du gouffre, bien que malmenée et blessée, je n’ai plus si mal qu’avant. Je ne veux pas me retourner pour voir si le pont a tenu bon après ma traversée. Je ne veux pas savoir si je peux le réemprunter et revenir en arrière. Je n’en ai pas la moindre intention, de revenir à l’avant-gouffre.

Manuel m’a fait sentir très bien, puis très vite très mal, mais il n’est pas Alex.

Puisque le désir de Manuel s’est éteint, qu’il ne me fait plus vibrer avec ses compliments et ses yeux remplis de moi, il n’a plus de véritable intérêt. Même si c’est un chouette type.

S’il avait accepté de me revoir il n’aurait été qu’un pansement insuffisant à combler ma douleur et au final, j’en serais toujours revenue au même point, le point où Alex n’est plus là et ne le sera plus jamais.

Si j’avais couché avec Manuel j’aurais eu encore plus mal à la gueule. Sans doute. Parce qu’il aurait fini par ne plus me donner des nouvelles, de toute façon. J’aurais dû me rabaisser à chaque fois plus pour des miettes de cul et de pseudo-affection, jusqu’au jour où même mes fesses ne l’intéresseraient plus.

Cette histoire n’a fait au final que redoubler ma peine, mais ça m’a changé les idées. Ça a mis Alex très loin de moi. J’ai arrêté d’attendre son retour. J’y pensais de moins en moins. Après Manuel, penser à Alex faisait moins mal.

N’empêche.

Quel connard.

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