Un peu de... lecture pour le mois sans HORECA (et avec couvre-feu) - Six fois le mot beauté
- Chicca Cocca
- 29 oct. 2020
- 2 min de lecture
Petit exercice d'écriture, rédigé en mai 2020, début du "déconfinement". Il avait été proposé par une émission culturelle radiophonique, où on invitait des artistes (et le public) à créer un texte contenant six fois le mot beauté.
La beauté c’est quand tu pleures en été au sommet d’une montagne et tes larmes tombent sur les rochers, coulent plus bas, se mélangent à un filet d’eau qui dévie de sa source, puis se posent sur les feuilles d’une plante sauvage sous forme de rosée, au petit matin, et quelqu’un cueille la plante et la laisse sécher sur le rebord de sa cheminée pour qu’elle embaume la pièce lors des longues soirées d’hiver.
La beauté c’est quand ton regard se perd au loin, vers la mer, et que tu attends sur les galets que la nuit arrive et que les étoiles soient la seule lumière qui guide tes tremblements.
La beauté, c’est quand tu fermes les yeux, au soleil, en écoutant la chanson qui accompagne la scène de fin de « Six Feet Under », tu la revis, et tu penses à la vie, à la mort, au sens et à l’absurdité et tu as des frissons qui parcourent ton échine de haut en bas, puis de bas en haut, avant de se dissoudre.
La beauté, c’est quand tu vois une fille dans le bus, qui ferme dans un geste brusque le livre qu’elle est en train de lire, parce qu’elle sent qu’elle va éclater en sanglots, puis tu lui souris et lui tends un mouchoir et tu recueilles le sourire qu’elle esquisse en retour.
La beauté c’est quand tu imagines la manière dont ton frère regarde son premier bébé, qui vient de naître, pendant le confinement, tu es triste de ne pas pouvoir les serrer dans tes bras, puis tu te réjouis parce que tout va bien pour eux: ils sont ensemble.
La beauté c’est quand tu renifles une odeur oubliée et qu’elle te transporte immédiatement à travers le temps, dans la cuisine de ta grand-mère, ou sur la peau de quelqu’un que tu as aimé, ou dans le lieu de tes meilleures vacances.
La beauté c’est ton visage à deux battements de cils de mon visage, quand après un instant suspendu, nos corps se retrouvent, se reconnaissent et alors, tu es un peu moi et moi un peu toi, juste le temps fugace et infini de nos souffles emmêlés.
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