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Un peu de... réflexions: A ma fille de 10 ans.


Et oui, ma petite poulette d’à peine 10 ans, ces derniers temps, les signes se multiplient. Tu as cessé depuis quelques semaines de faire tes caprices et tes crises, tu as parfois des petits boutons sur le visage, je ne dois plus m’inquiéter que tes devoirs soient faits, tu oublies de moins en moins de choses, tu demandes à voir des films « de grands » comme « Les figures de l’ombre », « Titanic », « Il faut sauver le soldat Ryan »…

Tu es aimantée par la série « Riverdale » de Netflix, alors qu'hier encore c’était « Amandine Malabule » ou « Les orphelins Baudelaire ».

C’est pas net pour autant, tu scotches encore sur « Peppa Pig » si ta petite soeur regarde et point de vue lecture « Léa Olivier » et ses chagrins d’amour ne t’intéressent pas vraiment, « Harry Potter » t’absorbe complètement.

Il y a deux mois, je suis rentrée te faire un bisou et te border avant de me coucher, comme d’habitude, pendant que tu dormais, et je l’ai sentie, cette odeur. Celle qui n’est plus l’odeur d’un enfant. Je me suis arrêtée sur le seuil: jusque quand je pourrai rentrer comme ça, en pleine nuit, dans ta chambre, sans avoir l’impression d’envahir ton intimité?

Cette semaine encore, plein de moments qui m’ont saisie au tournant de mon impréparation.

Tout à l’heure, en mettant ton pyjama « au sale », je l’ai reniflé, comme je fais souvent par réflexe animal. Et j’ai senti… « le dessous de bras ». Ça y est, je me suis dit, bientôt le déo? Ça va commencer? Combien de mois avant les soutiens-gorge, les poils, combien avant les règles?

J’aimerais te guider pour que tu te sentes bien dans ta peau, mais ne pas t’enfermer dans ce qu’on attend d’une fille: cacher ce sang dont on ne veut rien savoir, ne pas laisser bouger ces seins, masquer ces odeurs, s’épiler « parce que c’est comme ça ».

Vendredi, dans la voiture en rentrant de l’école, tu m’as demandé si tu pouvais regarder le film « Noces », « Même si à la fin le grand frère la tue parce qu’elle ne veut pas se marier et elle a déshonoré la famille, c’est bizarre, hein, maman? »

Et puis tu m’as raconté l’histoire de cette chanteuse qui a fait un duo avec JJ Goldman, puis qui a été assassinée par son copain trop jaloux. « On pourrait regarder la vidéo de cette histoire ensemble sur Youtube? »

Aïe, aïe, moi qui suis toujours si prompte à parler de la condition des femmes, à illustrer mes propos, à en chercher d’autres qui pensent comme moi, à sensibiliser ceux qui n'y pensent pas, là, je dois t’aider à grandir et j’ai peur de regarder ça avec toi, de répondre à tes questions, de t’ouvrir cette porte derrière laquelle tout peut être différent et compliqué pour une fille.

« Maman, mais pourquoi il l’a tuée, il ne pouvait pas juste profiter du fait qu’elle allait être célèbre et être content pour elle? »

Puis tout à coup, tu t’es souvenue d’une chose grave arrivée dans ta journée: que « ton amoureux » avait rompu.

« Ah, oui, c’est fini avec M., c’était trop beau pour être vrai, de toute façon ». Ton petit visage s’est tordu dans une grimace de peine, puis tu as éclaté en pleurs et moi, heureusement que je venais de me garer, j’ai caché ta tête dans mon cou et alors tu n’as pas vu toute ma douleur de ne rien pouvoir faire pour empêcher que tu aies mal, ni cette « petite » fois, ni les fois suivantes où la même chose va t’arriver, en plus grand et plus fort.

C’est vraiment encore plus effrayant que de répondre à tes questions de petite enfant sur la vie et la mort, sur « comment il a fait papa pour mettre petite soeur là-dedans ».

C’est vertigineux.

Me sentirais-je jamais prête à affronter tout ça avec toi, je me demande, parce que ça m’a pris des années de travail sur moi et d’expériences pour y voir un peu plus clair, pour m'apaiser avec tous ces sujets, pour en faire des valeurs, des idées à défendre, pour lesquels me battre, tout en les sentant encore en lutte à l’intérieur de moi.

Apaisée donc, par moments, parce que je sais d’où ça vient dans mon histoire, mais à d’autres je suis tourmentée, en colère et puis après je suis de nouveau perdue, et puis je trouve une autre idée, je l’englobe dans ma vision du monde, je la construis, fragile, imparfaite, toujours en mouvement. Ça va me prendre encore toute une vie, et je n’aurais sans doute pas fini d'ici là.

J’aimerais que tu ne te construises pas en guerre ou en opposition avec « les hommes », mais prête à être dans un lien positif avec eux, dans ton éventuel couple et/ou dans ton travail et/ou dans tes amitiés et/ou avec tes éventuels enfants, de la manière la plus sereine possible.

Je n’ai moi même de cesse de chercher comment faire pour y parvenir et ce n’est jamais une bonne fois pour toutes.

Mais je sais aussi que la société a beau évoluer, l’égalité n’est pas du tout au point, loin de là, et que tu vas devoir te battre, te défendre, que les blessures seront nombreuses et que ce sont la liberté et la créativité que tu parviendras à cultiver qui seront les clés pour t’en sortir.

J’espère que, même si ça arrive à tout le monde de « se faire larguer », de vivre des abandons, jamais tu considéreras qu’il n’y a que l’amour d’un homme, ou d’un autre que toi, qui va te faire exister, te donner de la valeur, te valider en tant que femme et en tant que personne.

J’espère que tu auras un projet de vie, quel qu’il soit, et que poursuivre sa réalisation t’épanouira et donnera sens à ta vie.

J’espère que tous les rêves que tu as aujourd’hui et tous ceux que tu auras par la suite, ne te sembleront pas impossibles, au delà de tes capacités.

J’espère que tu ne te sentiras pas « nulle » quand tu échoueras, parfois.

J’espère que la colère que tu éprouveras envers tout ce que j’ai un peu ou beaucoup foiré n’envahira pas tout et qu’elle ne t’empêchera pas d’être consciente et reconnaissante de tout ce que j’ai essayé de te donner, de te transmettre, à ma manière subjective, maladroite, imparfaite. A commencer par la joie que j’ai éprouvée en sachant que tu étais une fille, à la sécurité que j’ai tenté de créer pour que tu la mettes à l’intérieur de toi et que tu t’y accroches lors des tempêtes. Pour filer sur ton propre chemin, qui, je l’ai déjà constaté, ne sera jamais exactement celui que j’avais imaginé, voulu, espéré, rêvé pour toi.

Alors, ma toute belle, mon trésor, ma petite/grande fille, ça arrive à grands pas ce bazar, même si on y est pas encore tout à fait. Il te chamboule déjà, par moments, mais tu as encore, nous avons encore, des larges plages de répit.

Je vais faire de mon mieux pour ma part, comme j’ai toujours essayé de le faire, de là où j’en étais, de là où j’en suis. Ça va être plein d’erreurs, sans doute, de paradoxes, d’incohérences certainement, mais aussi plein d’amour. Et au fond, je sais que tu pourras traverser tout ce qui t’attend à ta manière, que tu feras du mieux que tu peux, aussi. J’espère que le « monde » changera en mieux et que tu y contribueras, à ce changement.

En attendant que tu lises vraiment cette lettre, en son temps; pendant que je réfléchis aux réponses à tes questions, parlons encore un peu d’Harry Potter, et de comment ce serait chouette que Poudlard existe vraiment.

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