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Un peu de... réflexions: Le drôle de siège du courage et de la force.


Je précise que je ne suis pas très fan des « limitations de langage», du « politiquement correct », qui modifie les expressions dans la forme pour dire la même chose dans le fond, et que je suis convaincue que ce sont les valeurs et les représentations qui sous-tendent le langage qui sont importants. C’est à ce niveau profond qu’il faut changer l’eau de notre bain socio-culturel. En clair: dire « technicienne de surface » si cela correspond tout de même à l’idée de « boniche » dans le chef de celui qui parle, ben, c’est pareil, ou pire, parce que c’est déguisé.

Je ne suis pas convaincue que le changement en profondeur passe par la surface, même si cela peut aider, parfois, peut-être.

J’ai aussi, parfois, souvent, un humour assez noir et irrévérencieux, qui passe par l’énonciation de mots qui écorchent les oreilles pour arracher un rire et en même temps dénoncer ceux qui utiliseraient les mêmes mots avec conviction afin de blesser. C’est discutable, j’en conviens.

Il y a des lieux et des personnes avec qui je m’autorise beaucoup d’écarts de langage que je n’oserais pas ailleurs, parce que « c’est pas bien de dire ça ». C’est libérateur.

Je dis beaucoup de gros mots aussi, au fond « je suis romaine de Rome » pour ceux qui comprennent ce que cela implique.

Grâce à ma profession, je sais aussi l’importance des mots, au sens de pouvoir les dire dans un espace protégé sans être jugé, pouvoir tous les déposer, les prononcer, les adresser et les entendre en même temps, même ceux qui sont inacceptables partout ailleurs. C'est primordial, essentiel.

D’un autre côté, puisqu'on évolue et qu'on grandit, j’ai appris à faire preuve de délicatesse quand il le faut, à trier les mots dans certaines circonstances, à prendre soin du lien avec l’autre au détriment d’une

« liberté d’expression absolue », mais ce n’est pas de l’autocensure, ce sont des choix que je fais. Je sais que si on n’y prend pas garde, les mots font aussi mal que des coups. Et ils abiment, les gens et les relations. Autant les peser un peu.

Tout cela étant posé, comme je suis humaine et pleine de contradictions, il y a des expressions courantes auxquelles je commence à devenir allergique. Elles me filent l’urticaire. Peu importe l’intention: elles me grattent comme des parasites.

Par exemple, quand j’entends qu’on dit à une femme qui fait preuve de force, courage, détermination, qu’elle «a des couilles». Pire encore si c’est assorti de « enfin une femme qui a…», ou « elle, au moins, elle a des… ».

En italien, pareil: « Una donna che ha le palle ».

Sans doute, pendant un temps, cela avait un sens de formuler les choses ainsi. Je ne sais pas. Je suis sûre qu’aujourd’hui ce n’est plus le cas.

On ne me l’a dit qu’une fois, à mon souvenir, il y a une dizaine d’années. J’avais amené à une séance de thérapie de groupe, des thèmes très intimes, et oui, il m’avait fallu beaucoup de courage pour oser le faire. Comme toujours dans ces cas-là, pour ceux qui connaissent un peu les mécanismes de la thérapie de groupe, cela a mis profondément au travail tous les participants. Ce sont des séances bouleversantes, qui marquent souvent des tournants importants dans un parcours thérapeutique. J’étais donc très contente d’avoir abordé ces sujets, d’avoir pris le risque de m’exposer pour « avancer ». J’étais peut-être même un peu fière. Et c’est là, à la fin de cette séance, qu’un homme, que j’aimais bien et dont l’avis comptait pour moi, l’a dit: il m’a remerciée d’avoir eu « les couilles » de parler de ça. Sur le moment cela m’a procuré une certaine satisfaction, mais pas que. Est-ce seulement dans l’après coup que je peux déceler un embryon de malaise dans mes sensations d’alors?

Le fait est que j’ai bien compris le message, c’est très clair que l’intention était de me faire un compliment, c’était censé être gratifiant. Ce monsieur n’était pas du tout « macho », que du contraire. Donc, voilà, pas de quoi en faire un fromage. Je ne lui en veux pas du tout et encore moins je lui en ai voulu à l’époque. Plus tard, la thérapeute, tout en finesse, a repris ce propos en le reformulant par quelque chose comme « avoir du ventre », quitte à utiliser une métaphore du corps. Je n’y ai plus trop réfléchi, mais je m’en souviens encore et aujourd’hui, cet épisode résonne fort.

Alors, je n’en suis pas à intervenir chaque fois que quelqu’un utilise l’expression à propos d’autres femmes, même si les plus attentifs peuvent déceler chez moi un clignement compulsif des yeux, une légère crispation des traits faciaux, ce qui correspond à une sensation de prurit diffuse et à une contracture instantanée de l’estomac. Tant pis, hein? C’est comme ça. (Pour l’instant)

Par contre si quelqu’un devait à nouveau utiliser cette « juste une manière de dire, tu comprends le sens, quand même » par rapport à moi, je pourrais répondre quelque chose comme: «Non, je n’ai pas de couilles, j’en suis positivement certaine. Je ne crois pas que le siège de la force et du courage et de la détermination se situe dans les bourses, sinon ce serait tellement facile… Je ne suis pas fâchée, nous baignons tous dans ce que ces expressions impliquent, qu’on le veuille ou non, à notre corps et esprit défendant, parfois. Je sais, avoir "du ventre", c’est bizarre, ça sonne pas juste, mais l’avantage, en attendant de trouver mieux, c’est que le ventre, tout le monde en a un, pour du vrai ».

Bon, après, si ça se trouve, je ne le dirai pas. Mais je le pense. Très fort.

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