Un peu de... lecture pour le mois sans HORECA (et avec couvre-feu) - L'attente
- Chicca Cocca
- 28 oct. 2020
- 3 min de lecture

Texte écrit en avril de cette année bizarre. Aujourd'hui qu'une autre sorte d'attente a commencé. A plusieurs niveaux.
L’attente…
L’attente n’a jamais été un état facile à vivre pour moi. Pour qui, d’ailleurs, l’est-elle?
Il y a attente et attente.
Il y a celle d’un bon moment qu’on anticipe. Elle peut être délicieuse… Bien que nous ne soyons jamais à l’abri d’un imprévu, nous savons que le moment venu, ce sera bien.
Il y a celle d’une nouvelle, censée nous rassurer… Et si la nouvelle traine, n’arrive pas, ça devient long, très long, trop long, infernal.
Il y a l’attente d’un verdict, d’une sentence, et il est alors très compliqué de s’extraire et de se comporter normalement, de faire semblant de rien, si on sait qu’après, la vie pourrait changer du tout au tout.
Il y a celle d’un mot qui n’est pas prononcé, et à la place, il n’y a que du silence. On en arrive à faire et dire n’importe quoi, pour que ce mot ou un autre, n’importe quel autre, soit énoncé, tout, mais pas le vide du silence.
Nous sommes tous en attente pour l’instant. En sursis. Certains souhaitent que ça s’arrête, parce que c’est intenable. D’autres, que ça se poursuive, parce qu’ils trouvent un nouvel équilibre. D’autres encore, au moins de savoir jusque quand ça va durer, pour essayer un minimum, de se réorganiser, de créer de nouveaux repères temporaires.
Je ne crois pas me tromper en disant qu’en ce moment, l’attente est un état universel, plus ou moins confortable, plus ou moins supportable.
C’est cette semaine que j’expérimente une nouvelle dimension de l’attente. Depuis que j’ai annoncé la fin -la première, provisoire, évidemment- de la rédaction de ma tentative de roman.
(Merci, merci, merci, d’ailleurs, pour toutes les réactions, encouragements, soutiens et parfois, cadeaux, publiques ou privés, que j’ai reçus à cette occasion. Ca fait un bien fou. Je les ai accueillis comme une surprise inespérée.)
Je suis en attente depuis que j’ai envoyé mon écrit à une dizaine de personnes. Je les connais toutes, à différents niveaux, à des profondeurs diverses, dans des domaines variés. Ce ne sont pas des inconnus. Ni des tiers «objectifs».
D’autres lecteurs, je les garde pour la deuxième mouture, suite aux premiers retours. Ils seront précieux aussi.
Et donc, j’attends, j’attends, j’attends leurs impressions, mais ce n’est pas douloureux, ce n’est pas une torture, ce n’est pas épuisant. C’est une corde vibrante en fond de mon quotidien.
Je peux manger, lire, dormir, fonctionner, penser (dans la mesure du possible du confinement et malgré les trucs pénibles de l’existence qui, eux, ne veulent décidément pas rester chez eux).
Je vis plus fort, plus intensément grâce à cette attente. Ca me porte, me sous-tend, me donne des contours nets et brillants.
C’est terriblement excitant, terriblement effrayant aussi de savoir que ces personnes ont ce petit bout de moi entre les mains et qu’ils vont m’en dire quelque chose.
J’ai eu trois échos déjà, qui m’ont émue aux larmes. En deux temps, un de vive voix et l'autre par écrit.
Deux personnes m’ont prévenue qu’ils allaient se donner une nuit pour ne pas réagir sur le vif, pour prendre le temps. Un pré-lecteur m’a envoyé des textes, prêté des livres pour nourrir ma manière d'écrire, montré un dessin et une citation que mon texte lui a rappelé. Il m'a donné deux carnets, aboutissements de ses projets à lui. Il m'a offert deux heures de conversation vidéo où il a tout abordé, page par page. Et il m'a proposé d'en reparler quand je veux. Que c'est précieux...
Une pré-lectrice est en train de découvrir et m’a écrit ce matin pour donner ses premières impressions: quel doux réveil.
Il y en a qui l’ont imprimé et vont commencer ou sont en train. Deux personnes vont s'y mettre ce week-end ou le suivant. Les derniers, je ne sais pas où ils en sont et c’est bien aussi.
Trois se sont proposées pour la deuxième mouture.
Et une, très spéciale pour moi, présente à plusieurs reprises dans mes posts, a accepté de lire mais ne m’a pas dit quand elle pourrait le faire.
Quand je fais une pause pendant les activités du quotidien, que j’arrête de stresser voire d'angoisser autour de mes impasses, je ferme les yeux et j’imagine l’un ou l’autre en train de lire, ou d’y penser, ou d’annoter. Ou je me répète ce qu'on m'en a déjà dit. C’est magique, comme sensation. C’est déjà un cadeau en soi. Et si tout s’arrête à cette dizaine de personnes, avoir écrit aura du sens. Suffisamment de sens.
Quelle chance j’ai de vivre tout cela.
Quelle chance que ces personnes soient dans ma vie de près ou de loin.
Oui. Quelle chance.
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