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Un peu de... lecture pour le mois sans HORECA (et avec couvre-feu) - La brèche sur les rails du trai

  • Chicca Cocca
  • 24 oct. 2020
  • 5 min de lecture

Texte écrit quelques jours après le départ de ma maman, en mai 2019, oui, encore.

Dans les jours qui ont suivi le décès de maman, j’ai eu une infinité de messages de soutien et d’affection. J’en ai été très touchée et toutes ces marques d’amitié et de liens forts m’ont réellement aidée à affronter le passage. Je n’ai pas fini de remercier toutes les personnes concernées et je n’ai pas fini d’en parler non plus.

Là maintenant, je vais juste raconter un geste, qui concerne deux personnes.

« Petite » introduction.

J’ai vécu mes 17 premières années en Italie, mon pays. En Italie, avant, on choisissait sa filière de secondaire à l’âge de 14 ans, environ, après 5 ans de primaires et de 3 d’école « médiane ».

J’ai choisi la filière classique (latin, grec, philo, peu de maths et peu de langues étrangères, tout ça). La grande aventure consistait principalement à devoir prendre le train tous les jours dans une petite gare près de chez moi. « Gare » est un grand mot: il s’agissait d’un rail de train à traverser, en passant par une brèche dans un mur, pour attendre le pseudo-quai officiel où une seule ligne s’arrêtait quelques fois par jour, celle qui desservait les « Castelli Romani » et les villages où se trouvaient deux ou trois des lycées de la région (l’artistique, le scientifique, et enfin, le classique). Autant vous dire que le matin, à 7h50, le quai ressemblait à une ruche d’abeilles, où plusieurs intrigues et enjeux essentiels de notre quotidien se jouaient en quelques secondes (des dizaines et dizaines de jeunes entre 14 et 18 ans, quoi). Qui attend où, qui va dans quel wagon, non pas celui là, parce que je ne veux pas le voir, et là il y a mon ex, et là il y a celui-celle qui me plaît, on va aller là, mais je vais me mettre de dos, hein, qu’il/elle ne pense pas que je viens ici exprès, vous aller me dire s’il/elle me regarde.

‘Faut dire que la plupart du temps, je voyais le train arriver quand j’étais au début de la rue avant la brèche et que tous les jours, avec plusieurs autres dizaines de jeunes en guerre avec leur réveil, je piquais le sprint quotidien qui nous permettait de franchir les rails peu après le passage du train et de grimper dans le dernier wagon in extremis.

Il fallait ensuite traverser tous les wagons, dire bonjour ou nier les bonnes personnes, afficher une indifférence hautaine malgré les yeux gonflés et la transpiration et aller s’installer dans le wagon de tête, là où il y avait « mon groupe ». Il était composé principalement de 11 de mes camarades de classe, d’autres nous rejoignaient au fil des autres gares paumées, des plus âgés, des plus jeunes, des intéressants et des déchus.

Beaucoup se tramait le long du trajet: en un peu plus d’une demi-heure il fallait se recomposer une tête et une tenue décentes (éventuellement, pour les filles, c’était le moment de se maquiller ou de changer de tenue à l’insu de parents confiants), il fallait s’organiser pour copier les devoirs non-faits, voter pour voir si on allait tout de suite à l’école ou si on allait prétexter un retard de train pour arriver un peu plus tard, après une glace ou un croissant-cappuccino, mais alors il fallait le faire tous ensemble (les bons élèves n’avaient qu’à dire qu’ils étaient exceptionnellement arrivés en voiture) et qui couvrait qui si on ne voulait pas être interrogé oralement en chimie ou éviter l’interro écrite de grec. Il fallait aussi raconter les derniers potins de la veille, malgré les heures déjà passées au téléphone (qui nous avaient par ailleurs empêché d’avoir le temps de traduire ce fichu passage des Catilinaires du latin à l’italien).

Enfin, il fallait parfois aller trouver des gens dans d’autres compartiments pour régler des enjeux diplomatiques ou de relations publiques de la plus haute importance.

Dans ce groupe, il y avait Leda qui est assez rapidement devenue ma confidente. Et ce train, il passait devant la maison de Tea, qui était une de mes plus proches amies.

En réalité, trois ans après le début du lycée, j’ai quitté l’Italie (et la maison de ma maman, donc) et j’ai débarqué dans le Brabant-Wallon. Un mini-changement, quoi.

Alors, mystères des liens profonds, trois ans d’aventures communes en tous genres, ont suffi à ce que ces amitiés persistent encore aujourd’hui.

Ces deux filles, que dis-je: femmes! ont des parcours de vie remarquables, que je n’étale pas ici par respect pour leur vie privée. Je les admire depuis longtemps, pour des tas de raisons différentes et surtout, je les aime d’amitié depuis ces années là. Nous nous sommes revues des tas de fois, beaucoup en Italie, surtout au début, mais aussi à Wastines, Houffalize, Louvain-La-Neuve, à Bruxelles. J’ai été témoin du mariage de l’une, invitée deux jours au mariage de l’autre… Parfois le fil s’est distendu, mais il ne s’est jamais coupé, nous n’avons jamais perdu contact. Et aujourd’hui, Facebook, Skype, What’s App etc, nous facilitent vraiment l’amitié.

Toutes les deux, chacune de son côté, dès qu’elles ont vu l’annonce du décès de maman, m’ont contactée dans la seconde, non seulement pour être près de moi, de loin, mais pour demander le jour et l’heure de la cérémonie et, comme ça, spontanément, en trois jours, se sont arrangées pour ne pas travailler ce jour là et se libérer pour faire plus d’une heure de route de chez elles et être à mes côtés, dans le petit village italien où vit la famille de maman. Je n’aurais jamais osé leur demander.

D’abord j’ai été soufflée, puis j’ai pu sentir à quel point ça me faisait du bien de savoir qu’elles seraient là, pour moi, mais aussi parce que maman, elles l’ont connue.

Une des deux, l’a même aimée, d’une certaine manière, parce qu’après mon départ, il lui est arrivé de la conduire à quelques rendez-vous médicaux, et, surtout, comme elle me l’a rappelé ces jours-ci, à un moment où elle était en difficulté dans sa vie, elle a demandé de l’aide à maman, qui a été à ce moment là un repère pour elle et qui a accueilli sa demande d’aide.

Et bon, je me suis rappelée que maman était comme ça aussi, généreuse, maternelle, bienveillante. Et que quelqu’un d’autre que moi le savait et l’avait vécu.

Donc elles ont été là le jour J, quand j’étais dans une grande douleur, un peu perdue au milieu de parents dont je ne me souvenais même plus (pas la famille proche de maman, hein, ceux là ils ont été bien présents), elles se sont assises avec moi dans l’église, au premier rang et ont été à mes côtés au sens propre comme au figuré.

Et tout à coup, il m’est paru comme une évidence, à moi aussi, qu’elles soient là, juste à la bonne place.

(Sans compter l’aide et le soutien qu’elles continuent à m’apporter depuis, à tous niveaux)

Tout ça pour dire: (Je vous le redis en italien, le reste je vous le traduis quand on se revoit?)

Grazie, ragazze. Grazie amiche mie.

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