Un peu de... lecture pour le mois sans HORECA - Le tatouage
- Chicca Cocca
- 19 oct. 2020
- 3 min de lecture

Texte écrit en décembre 2019, après mon premier tatouage... Depuis, j'en ai fait trois. Et le serpent a un peu évolué :)
La semaine avait mal commencé, avec ce lundi lourd et gonflé comme mes paupières.
Le week-end intense qui colle encore aux semelles.
Le travail qui reprend dans le brouillard -et quitte à devoir se lever, quelle chance que je l'aime autant, mon travail!-, puis rendez-vous à l'école de ma grande fille avec ses deux instituteurs; la course à ma séance, toujours trop courte mais qui me laisse immanquablement tripes et cerveau en ébullition...
A peine le temps de boire un café et voilà que je n'ai de nouveau pas pris le temps de manger à midi, j'ai laissé mon sandwich je ne sais plus très bien où.
Je dois rentrer pour lancer des lessives avant un court répit et non, là je n'ai pas mes clés, oubliées le matin chez moi, et alors il faut attendre, sur la petite "place des enfants" de mon quartier.
Tant qu'à faire, je me mets au soleil et je croise une voisine, qui était une ancienne collègue de mon premier boulot à Namur, et nous papotons... Puis ça devient une vraie conversation, un peu existentielle, comme celles interminables que nous avons eues dans le train, il y a si longtemps, les deux bruxelloises de l'équipe.
Ca fait plaisir, mais les aiguilles tournent, et je peux enfin aller chez moi et faire en me dépêchant tout ce que je devais faire en prenant le temps, mais tant pis, j'arrive même à m'allonger une heure. Je comate à moitié, trop stressée et excitée par l'événement du soir, le rendez-vous.
Je pars en retard, quand même, je veux me rattraper vers la fin avec un Uber, je tombe sur une "flèche" qui se perd et me perd dans les ruelles du quartier où je suis attendue, augmente mon retard et en plus, pour le coup, je paie.
Enfin, j'y suis, près d'une demi-heure plus tard que prévu.
Et là, il y a Pierine, ce petit soleil, qui me sourit et qui m'attend et c'est pas grave. Elle m'accueille, réchauffe la pièce, prépare son matériel, papote, me dit de -enfin!- manger à mon aise, pendant qu'elle dessine.
Je ne la connais pas depuis longtemps, trois mois, mais j'ai su très vite que c'était elle qu'il me fallait pour réaliser ce petit rêve oublié. Alors, confiance totale, qu'importe l'heure à laquelle nous allons terminer.
On se raconte un peu, nous baignons dans l'intimité, comme si nous avions l'habitude de causer de cette manière, sans filtres, depuis toujours.
Elle le finit devant moi, le dessin, à partir de mes idées, oui, là, en dernière minute, parce qu'elle est comme moi pour ça: la course, toujours, et la dead-line dépassée, souvent.
Elle me demande mon avis, donne le sien, elle ajuste, ça prend vie devant moi en direct, c'est fascinant.
Mon stress monte, j'ai un peu peur quand même, mais je suis là maintenant: avec elle, ça ira.
Deux heures après mon arrivée, elle démarre. Pierine incruste ce truc qui est en-même-temps-mon-projet-et-son-dessin dans ma peau, avec ses mains magiques.
Elle est concentrée, précise, minutieuse et aussi: elle sourit, elle rit, souvent, elle pose des questions, elle répond aux miennes, elle explique, elle écoute. Elle dit qu'elle ne sait pas faire deux choses en même temps, mais ce n'est pas vrai: elle sait en faire mille.
La douleur est là, c'est indéniable, cette douleur particulière si difficile à décrire. Mais ses gestes à elle sont délicats, attentifs, chauds. Elle fait une bulle autour de nous, avec dedans de la douceur, de l'énergie, de la musique, le bruit hypnotisant de la machine, nos éclats de rire...
Toute la complicité nécessaire à laisser une personne dessiner dans la peau d'une autre. C'est peut-être ponctuel, une parenthèse, mais ce n'est pas rien.
Trois heures, tout de même, et tout à coup il est presque 1h30 du matin. C'est fou, je suis la même mais plus tout à fait.
Nous nous quittons, derniers sourires, bâillements, à bientôt, de toute façon.
A 2h, chez moi, et j'ai encore besoin de quelques minutes pour réaliser, avant de me coucher.
Ce matin, réveil tôt: j'aurais dû être crevée en allant au boulot. Pas tant que ça, finalement. Je suis plutôt euphorique, légère.
C'est con, va savoir pourquoi je me sens si fière, si forte.
J'ai ce sourire qui flotte sur mes lèvres, comme si j'avais un pouvoir magique secret, et que j'étais la première à en être étonnée.
Et un peu émue.
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