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Un peu de... 68 premières fois: "Les Déracinés" (Catherine Bardon)


Cette rentrée 2018 marque le début de ma première aventure « 68 premières fois ».

Pour connaître cette belle initiative, voici la page officielle: https://68premieresfois.wordpress.com

Je vais donc recevoir, pendant quelques mois, 18 premiers romans (14, en réalité, et 4 deuxièmes romans, mais c’est une particularité de cette année: voir lien ci-dessus), les lire et écrire une petite chronique pour chacun.

J’ai reçu tout d’abord, en version numérique, « Les Déracinés », de Catherine Bardon, paru chez « Les Escales ».

La présentation de l’histoire était très alléchante, ainsi, je me suis réjouie de le découvrir et je m’y suis plongée immédiatement, laissant en plan ma lecture en cours.

Nous sommes dans les années ’30. Wilhelm et Almah sont deux jeunes autrichiens. Ils sont beaux, promis à un bel avenir, ils viennent de familles aimantes et aisées. « Accessoirement », ils sont juifs, mais ils ne s’identifient pas particulièrement à cette facette de leur identité. Vienne, leur ville, est à l’apogée de sa splendeur culturelle, intellectuelle, artistique.

Wilhelm et Almah tombent amoureux dès leur premier regard.

Mais… Nous nous doutons très vite qu’étant donnée l’époque, les choses ne vont pas aussi bien se passer que prévu, malgré ces jolies prémisses… Pire: la descente aux enfers, due à la montée du nazisme et à son ascension politique, est fulgurante.

Nous allons suivre ce couple pendant plusieurs décennies, dans leur périple pour fuir l’Autriche et l’Europe proche de la guerre, jusqu’à la République Dominicaine. Le dictateur Trujillo a en effet conclu un juteux marché en acceptant d’accueillir un projet-pilote de communauté juive, censée expérimenter le modèle des Kibboutz, à reproduire ensuite en Palestine…

Je l’avoue, au début, j’ai été déstabilisée par la légèreté de l’intrigue: le duo de personnages, le coup de foudre, la cour, l’inévitable rival, quelques autres obstacles… Tout me semblait extrêmement idéalisé, pas nécessairement très original ou profond, un peu cousu de fil blanc, un peu cliché.

Cependant l’écriture est très agréable et j’ai été vite emportée par ce côté confortable. L’envie de connaître la suite m’a permis de passer sur certaines « imperfections »: quelques répétitions de mots ou de contenu, quelques imprécisions (les yeux d’Almah qui changent de couleur plusieurs fois dans les premières pages: améthyste, lavande, saphir, bleu clair…). Ce ne sont que des détails, par rapport à une certaine force narrative.

Petit à petit le côté sombre pointe le bout de son nez entre la suite d’images d’Epinal. Il arrive par l’extérieur, par la dimension historique que nous ne connaissons que trop bien, mais que nous oublions parfois trop vite. Le contraste entre le couple idéal et la tragédie qui dévaste leur vie est extrême. Peut-être était-ce l’effet recherché en rendant « parfaits » les débuts de leur histoire.

De manière générale, malgré les sujets importants abordés, il m’a manqué un peu de tension dramatique, et il m’a semblé que la psychologie des personnages était esquissée, pas trop fouilée. Sans doute n’était-ce pas le but premier de l’auteure. Il y a beaucoup plus de pages de description, que ce soit de l’environnement ou des événements, que de dialogues. Nous assistons à ce qui a lieu, sans nécessairement le « vivre ».

Les chapitres sont parfois à la première personne (Wilhelm), parfois à la troisième et parfois il s’agit d’extraits d’écrits (carnets de Wilhelm, lettres). J’ai eu quelques difficultés à saisir l’apport des changements de points de vue et la logique des alternances entre les différents types de narration. Les moments où nous sommes au plus près des personnages, sont les passages d’extraits de carnets (de Wilhelm, la plupart du temps) ou de lettres, qui racontent autrement ce que nous avons appris dans les chapitres précédents.

Ces articulations qui peuvent paraître complexes s’harmonisent dans la fluidité du récit.

Quels sont les points forts de ce long roman (environ 600 pages dans la version papier)?

Il a le pouvoir de nous faire voyager. Que ce soit l’Autriche des années ’30, le Portugal, les bateaux parcourant les océans, Sosùa… Nous ne faisons pas que « visualiser », nous pouvons imaginer de manière beaucoup plus vaste. L’écriture est évocatrice: détails historico-géographiques, odeurs, bruits, couleurs, sensations. Les descriptions de la République Dominicaine font rêver, pas de vacances, mais d'une autre vie. Enchaînements de tableaux qui s’animent et nous happent au fil des chapitres.

J’y ai également découvert tout un pan d’histoire que j’ignorais: l’accueil, pas désintéressé, des « émigrés-colons » juifs en République Dominicaine dans le but de constituer une colonie socialiste, un prototype de kibboutz. Les lecteurs peuvent vite se rendre compte du travail conséquent de recherche qui ancre cette fiction dans la réalité.

« Les Déracinés » est donc un roman qui se lit avec plaisir, qu’on « lâche » difficilement avant la dernière page. Une jolie et grande fresque, lumineuse, pleine de vie et d’espoir malgré les tragédies qui la traversent. Un habile tissage où la petite et la grande histoire se font écho l’une de l’autre.

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