Un peu de... livres: "Les Cahiers d'Esther" (Riad Sattouf), une aventure...
L’idée est géniale: Riad Sattouf téléphone chaque semaine à la fille d’un de ses amis et dessine une planche basée sur leur conversation. Chaque planche paraît de manière hebdomadaire sur « L’obs » et au bout de chaque année, elles sont toutes publiées en un tome.
Il le fait depuis trois ans et il aimerait continuer jusqu’aux 18 ans d’Esther.
Vous connaissez sans doute déjà Riad Sattouf, grâce à « L’arabe du futur ».
« Les cahiers d’Esther » n’est pas à proprement parler un roman graphique, pourtant, la succession chronologique des planches en fait une histoire passionnante.
J’en suis tombée amoureuse dès le premier tome.
Esther est une petite fille « normale », appartenant à une famille « normale » et donc… son quotidien est tout à la fois unique et universel.
Se plonger dans la vie d’Esther est une aventure…
-Drôle: l’humour de Riad Sattouf, sa façon de mettre en scène les conversations, ses commentaires à côté des « bulles » classiques de bd, imprimeront un sourire sur vos lèvres tout au long de la lecture (voir plus) et vous feront éclater de rire quelques fois.
-Riche: il y a du contenu, dans les dialogues et à côté, dans les dessins, dans les couleurs… Plusieurs niveaux de découverte d’un univers foisonnant, à lire et relire pour les apercevoir tous.
-Emouvante: il y a une petite musique qui se déroule au rythme des planches, une poésie décalée et étonnante qui vous (me) travaille en profondeur et parfois, remue vos (mes) tripes.
-Cruelle: le monde des enfants qui y est illustré, n’est pas un monde de bisounours, loin s’en faut. La jungle de la cour de récréation, les exclusions, les injustices, les harcèlements de toutes sortes n’y sont pas abordés de front, mais bien présents dans le décor. « C’est la vie », comme le répète souvent Esther.
-Moderne et empreinte de nostalgie: l’enfance d’aujourd’hui n’est assurément pas la même que celle que nous avons connu. Et pourtant… La vie d’Esther est d’une actualité criante, je me suis posée mille et une question sur ce que mes filles ont déjà vécu ou vont devoir vivre. Dans un mouvement opposé, j’ai été aspirée vers ma propre enfance, parce que les thèmes liés à ce qui construit un petit être humain traversent les époques. Ils se déclinent juste autrement, à un autre rythme, selon des nouvelles combinaisons.
-Intelligente: Chaque planche est un réservoir infini de réflexions… Si vous acceptez d’en suivre le fil, vous pourriez même vous en trouver grandis.
-Créative: le procédé de nous situer en même temps dans la tête d’Esther et à l’extérieur, en train de l’observer, demande une finesse d’équilibriste… Tout un art. Cela titille la part créative et créatrice en chacun de nous… Pour peu que nous laissions nous y prendre.
Dans le troisième tome, le dernier paru, que je me suis offerte pour Noël, Esther commence sa nouvelle vie dans un collège un peu élitiste, choisi par son père.
Nous l’avions laissée il y a un an, au seuil de ce collège, ayant réussi l’examen d’entrée.
Nous assistons à l’éclosion de sa « conscience » politique (élections présidentielles en France obligent), à la naissance de ses projets professionnels, à ses tentatives d’écriture, à ses premières timides transgressions, au changement de la relation avec son grand frère… le tout parsemé de ses réflexions sur la vie, sur les rapports garçons/filles, sur l’amitié… Et bien plus encore.
Esther traverse son année de son pas assuré, lucide et naïve à la fois, une petite fille qui devient… Un peu moins petite.
Vous pouvez lire Esther comme vous le souhaitez. Comme une parenthèse d’évasion particulièrement drôle, comme une fenêtre sur l’actualité vue par une "pré-ado", comme un miroir de vous-même ou un aperçu du monde des enfants proches de vous… Léger ou profond, léger et profond. Dans tous les cas, le plaisir est assuré.
Un petit bijou, vous l’aurez compris. S’il est encore temps, demandez-le au Père Noël (le Père Nouvel An, ça existe?) ou faites vous ce cadeau supplémentaire pour bien terminer 2017.