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Un peu de... livres: "L'art français de la guerre" (Alexis Jenni), plus qu'un roma


"L'art français de la guerre". Il n'y a pas un titre de livre qui pouvait me donner moins envie que celui-là. Le "pitch" de la quatrième de couverture, bof aussi. Mais: c'est le prix Goncourt 2011! Ouais... Je lis rarement en fonction des prix prestigieux. C'est un gros gros bouquin, souvent cela m'attire... Sauf que si je n'aime pas, la longueur va étirer un moment désagréable. C'est rare que je parvienne à interrompre une lecture avant la fin, aussi pénible soit-elle, toujours pleine d'espoir d'y trouver du positif... et toujours un peu obsessionnelle. Finalement, j'y vais quand même. Je n'ai rien d'autre sous la main, j'ai pas beaucoup de sous, je n'aime pas trop faire appel au "grand A" (c'est pas lacanien, dans ce cas-ci), je ne sors pas beaucoup ces derniers temps... J'ai un peu de temps devant moi... Et puis, je m'autorise à l'arrêter si vraiment je devais ne pas aimer: il y a trop à lire dans ce monde que pour perdre du temps à parcourir des pages pour le triomphe de mes symptômes. C'était il y a un mois environ. Dimanche dernier, j'ai lu la 632ème page de ce "pavé". J'ai eu un coup de foudre absolu, comme j'ai déjà eu l'occasion de le mentionner, et ce, dès les premières dizaines de pages. Impossible de le résumer, bien évidemment, sous peine de le raplatir. Un gars paumé, à la dérive, qui rencontre un ancien militaire qui a été de toutes les guerres (deuxième mondiale, Indochine, Algérie). Le paumé sait bien écrire et le militaire dessine à l'encre. Ils font un deal: le vétéran enseigne au paumé à peindre à l'encre et le paumé va l'écouter et mettre en mots son histoire. Cela dure, je l'ai déjà écrit, près de 650 pages. Et c'est magique. C'est dense, c'est incroyable, c'est magnifiquement écrit. La langue y est sublime et sublimée. Les descriptions englobent tous les sens: vue, odorat, toucher, ouïe et même goût. Si on accepte de plonger, on y est. On est dans un livre, dans un film, dans un dessin à l'encre, dans d'autres vies. Ces vies-là, elles sont vraiment très éloignées de la mienne, des vôtres sans doute aussi. Tout cela parle de la France, des Français, du français... Pourtant... Il y a de l'universel. Une réelle réflexion, profondément éthique, sur la langue et sur l'identité. Il y a une proposition de ce qu'est l'art, à travers le dessin à l'encre et la mise en mots. Et encore: ça parle de la transmission, de la haine, de l'amour, du désir. De la vie. Sans aucune, absolument aucune moralisation de l'histoire, on saisit les enjeux identitaires qui sous-tendent les guerres anciennes et actuelles, celles qui se passent chez nous, dans les grandes villes européennes. On saisit, on pige, on pense, on réfléchit. C'est amené subtilement, à travers les existences de personnages somme toute assez banals. Vous l'aurez compris, je le considère un chef d'oeuvre. Il faudrait le faire lire dans les écoles, en rénové, en accompagnant les élèves dans cette lecture. On pourrait y étudier le français, l'histoire, la géo-politique, la philosophie, l'art, la fameuse et galvaudée "citoyenneté"! Hier matin, en apprenant les dernières nouvelles du parc Maximilien, en pleurant avec les bénévoles qui ont pleuré dimanche soir, en ayant honte de ce qui se passe et en étant fière d'y résister à ma mesure, en étant aussi pleine de gratitude de (re)découvrir qu'il y a beaucoup beaucoup de personnes incroyables qui s'accrochent à notre humanité et qui créent du beau au milieu de l'horreur, hier donc, j'avais ces 650 pages à l'intérieur de moi et je me suis sentie riche de les avoir lues et de voir le monde avec des yeux façonnés aussi par cette lecture. Lire ne suffit pas. Bien sûr. Mais si nous le pouvons, lisons et puis agissons.

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