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Un peu de... lecture pour le mois sans HORECA (et avec couvre-feu, etc.) - Chroniques de début 2020.

  • Chicca Cocca
  • 14 nov. 2020
  • 8 min de lecture

Je cherchais un texte à publier pour cet avant-dernier post de la série. Un peu par hasard, je suis tombée sur ces trois états de mes lieux. Une qui date d'un mois avant le confinement (20 Février), l'autre du jour où le confinement est "tombé" (13 Mars), la dernière qui date du jour où les trois premières semaines de confinement se terminaient. Chronique du temps qui passe...

20 Février

Quoi??? Mon dernier long-petit texte sur Facebook date du 7 février??? Et nous serons le 21 dans un peu plus d'une heure??? Mais comment ai-je tenu sans écrire pendant près de deux semaines?

J'avoue, d'une part, j'ai écrit ailleurs. Dans un beau carnet, acheté en début d'année, à couverture dorée avec une reproduction du "Baiser" de Klimt. J'y ai écrit des phrases entendues ou lues et que je ne veux pas oublier, des comptes-rendus de réunions, des PV de CA, des trucs chiants. Et puis, j'y ai écrit des trucs intimes, comme une ado, comme dans un journal et je vous assure, personne ne lira jamais ces textes là, ni sur FB, ni ailleurs. C'est le vrai jardin secret, comme on dit. Donc, ouais, j'ai un peu triché, j'ai redécouvert le plaisir du stylo qui gratte le papier un peu jaune et rêche et de l'odeur presque aphrodisiaque qui se dégage du mélange des deux.

D'autre part -véridique- le temps m'a échappé complètement. Il a filé si vite sous mon nez, qu'entre dimanche 12h et lundi soir j'ai eu un court-circuit, je ne savais plus quel jour on était, ce que j'avais fait, ce qui me restait à faire. Comme quand on est en vacances et que tout le rythme est chamboulé et c'est bien que ce soit ainsi.

Sauf que là, on n'était pas en vacances, j'étais juste tellement occupée à courir que je me suis dépassée, je me suis emmêlée les pinceaux, je me suis un peu perdue.

La course, la course, la course. Des trucs chouettes et des pas chouettes.

Des anniversaires d'amis, un concert avec ma grande fille, des Conseils d'Administration, des bulletins à aller chercher, des textes à lire pour préparer des réunions ou des matinées d'études, les Assemblées Générales des associations qui se poursuivent, l'accueil de "ma" nouvelle stagiaire, les coups de téléphone mi-affectifs mi-professionnels (c'est comme ça quand on aime les gens avec qui on travaille et/ou qu'on a des amis qui partagent les mêmes inquiétudes professionnelles), puis les patients et je me suis dit: ah, c'est pas vrai, ça fait déjà une semaine que je l'ai vu? Comme ça a filé...

Il m'est arrivé un truc aussi, j'ai eu envie de dormir, souvent, comme ça ne m'était plus arrivé depuis longtemps, alors, plein de fois, la tension d'écrire n'a pas tenu le coup face à mes paupières mi-closes. Et donc, j'ai été dormir tôt quelques fois, même quelques fois d'affilée et j'ai annulé trois sorties et j'ai râlé qu'on ait décommandé une belle soirée qui s'annonçait, mais j'ai dormi aussi ce soir là.

Et d'autres soirs, j'ai bu un petit verre de plus, et j'ai eu besoin d'aide pour m'endormir.

J'ai un peu trop fumé certains jours, pas assez mangé d'autres jours (ou c'étaient peu-être bien les mêmes jours), Certaines nuits j'ai été tellement tendue ou nerveuse ou angoissée ou tout ça à la fois que malgré la fatigue le sommeil se dérobait.

Il m'est arrivé d'être triste ou très énervée au boulot, puis très joyeuse dans la rue, sans aucune raison particulière ou en tout cas sans raison en rapport direct avec le contexte.

Il y a eu des jours où j'ai changé d'humeur 37 fois.

J'ai fait plein de rêves aussi, certains pendant la nuit, à poings fermés, d'autres pendant le jour, les yeux grands ouverts; d'autres encore entre deux mondes et du coup qui peut dire si ça s'est vraiment passé ou pas?

Je me sens un peu ainsi, entre la course effrénée et la bulle-cocon de tous les possibles. Je me dis que parfois j'ai l'air un peu fou, un peu hagard, ou un peu trop heureux pour un matin gris de tempête. Parfois je souris dans le tram. Parfois j'ai les larmes qui hésitent, en marchant vers chez moi.

C'est un peu mystérieux.

Il y a une chose claire que je peux nommer: j'ai eu mon contrôle annuel lundi, la fameuse torture pour beaucoup de femmes. J'ai eu beaucoup de soutien ce jour là, de la part de ceux à qui j'en avais parlé.

Certains, inattendus ou inespérés, m'ont profondément touchée.

Bref, la tumeur n'est pas de retour.

Je souffle pendant six mois, parce qu'il y a quand même de trucs à vérifier dans pas trop longtemps. Mais, ouf, quoi.

Le reste, pour l'instant, ça reste un peu brouillé, un peu énigmatique, j'imagine. Pour moi aussi, en fait. Entre mon agenda et mon carnet. De ces secrets là, je ne peux vous montrer que la couverture un peu floue.

13 Mars

Ce matin mon bus était vide. La gare comme un dimanche matin tôt. Drôle d'ambiance, à croire que d'une minute à l'autre quelques zombies allaient sortir d'un pas de porte ou de derrière un coin de rue, hagards.

Puis je suis arrivée à mon travail et là, j'ai retrouvé de l'énergie, en voyant mes collègues. Nous avons commencé la journée comme d'habitude, avec les nouvelles, les blagues, l'organisation du repas. Quelques uns étaient absents, rien de grave, mais prudence; quelques consultations ont été annulées, pas de quoi s'affoler.

En début d'après-midi, le ciel nous est un peu tombé sur la tête: mesures de crise pour notre secteur aussi. Branle-bas de combat. Prévenir, rassurer, annuler, organiser le planning minimal, envoyer des mails, écrire des affiches, re-enregistrer le message du répondeur. Tout le monde s'y est mis.

Nous sentions nos estomacs se serrer, parce que nous réalisions petit à petit que pendant au moins trois semaines, nos moments collectifs en équipe, ceux qui nous permettent parfois, souvent, de tenir le coup face à la détresse humaine, vont être mis en suspens. Comment border les angoisses des uns et des autres, dans leurs parcours chahutés, faits de ruptures? Alors que nous-mêmes, nous n'avons pas encore digéré toutes les infos et que nous n'arrivons pas à imaginer les jours à venir? Rester un repère, en disant: "Mais nous ne pourrons pas nous voir."

Nous avons encore, malgré tout, beaucoup ri, échangé nos inquiétudes, étalé un peu de cynisme salutaire, mais je ne crois pas me tromper en disant que la plupart d'entre nous sont partis à 17h la boule au bide. Nous n'arrivions pas à nous séparer, ne pouvant même pas nous serrer un tout petit peu dans les bras.

Bon, et puis voilà, ça va aller, hein? La tristesse prend de drôles de formes par ces temps extraordinaires. Il n'y a même pas dix jours je me prélassais en terrasse, à la montagne.

Je suis un peu triste pour moi, le Festival pour lequel je devais participer au jury est reporté à une date non-précisée.

Très triste pour les artistes, dont les projets préparés depuis des mois (des années?) s'arrêtent brutalement.

Immensément triste pour nos patients qui vont devoir trouver de nouveaux montages et bricolages pour tenir le coup (et ils vont y arriver, bien sûr).

Il y a de drames bien plus graves qui se jouent.

Je prends juste l'ampleur du petit tremblement de terre interne quand les repères du quotidien sont chamboulés à ce point là. Je me rends compte, avec encore plus de fulgurance, que j'aime ce que je fais, sans me croire indispensable, ni héroïque. Je n'ai jamais prétendu sauver qui ou quoi que ce soit.

Pas de désespoir donc, juste cette grisaille tout autour et à l'intérieur.

Confiance, ça va passer, tôt ou tard, et il faut juste croiser les doigts pour que lorsque toutes les portes se rouvriront, lorsque la culture, le sport, les activités récréatives cesseront d'être un luxe, lorsque je pourrai reprendre qui je veux dans mes bras, il n'y aura pas eu trop de dégâts, autour de nous.

Hé. Courage à tous.

5 Avril

5 Avril

Je constate que le confinement n'a pas modifié une chose: c'est la nuit que j'ai le plus envie d'écrire.

J'avoue, il y a trois semaines, au J2 de confinement, je pensais que je n'y arriverais pas. Et là, ça y est, je m'y suis faite. Pas de réveil, maximum trois consultations à distance par jour, un ou deux jours de permanence téléphonique par semaine au centre...

J'aime les longs coups de fil que je ne prends jamais le temps de donner, en temps normal...

Je vais me coucher tard, je me lève tard aussi. Je n'ai jamais autant profité de ma terrasse. Je me suis remise à la correction des pages écrites entre la fin des vacances et le début de la rentrée.

Quand je dois travailler, je suis contente (oups, j'ai écrit ça? Moi?) et quand je dois rentrer chez moi, aussi (oups, j'ai écrit ça? Moi?).

Je ne vais pas dire que je n'ai pas d'obligations: ma to-do-list n'a pas bougé d'un poil. Je m'en veux juste un peu plus, parce que je n'ai même pas l'excuse de ne pas avoir de moments pour faire ce qu'il y a à faire: je n'en ai pas envie, c'est tout, 'faut assumer.

A quelques aménagements près (serrer les amis dans les bras et ensuite boire plein de verres avec eux, notamment), le manque est gérable.

Bon, je ne suis pas optimiste pour la suite, j'ai encore des moments sombres, voire des dégringolades du moral assez spectaculaires; je suis toujours tracassée par les enjeux socio-politico-économiques que nous vivons, inquiète pour proches et patients... mais, franchement, ces trois semaines ont fini par passer et j'ai accueilli sans émotion négative les prolongations.

Je suis prête pour les deux prochaines semaines.

Date particulière, aujourd'hui (là, maintenant, il est minuit passée). Je me souviens exactement de ce que je faisais il y a un an. J'étais chez nos amis-voisins et j'apprenais par mon oncle que ma mère était entrée à l'hôpital. Ca faisait un mois que je l'avais vue, lors d'un bref voyage en Italie, qui sentait les adieux. A partir de ce jour là, il y a un an donc, j'ai passé tout le mois suivant à préparer les 21 ans de mon centre et à me demander chaque nuit si je ne devais pas aller la retrouver, ma mère, avant qu'il ne soit trop tard. Je ne l'ai pas fait. Je n'en dormais pas, je dors presque mieux et certainement plus ces jours-ci. Ca fait bizarre de penser ça.

Mais ça ne me déprime pas particulièrement.

Je me souviens aussi de ce que je faisais il y a deux ans. Je me préparais à recevoir pour la première fois des réfugiés chez nous. Et bien, il se trouve qu'il y a trois jours, un d'entre eux, R., m'a écrit sur WhatsApp, pour partager avec moi une bonne nouvelle: sa demande d'asile a été enfin acceptée.

Ca faisait plus d'un an que je ne savais pas ce qui lui arrivait. Je n'y pensais pas, ou plus, tous les jours, ni sans doute toutes les semaines, mais de temps en temps je me demandais... J'avais peur qu'il soit mort. Ou en centre fermé. Ou de retour chez lui. Tétanisée par ces options terribles, je n'osais pas le contacter. J'avais fait le deuil d'en savoir un jour quelque chose.

Et là, cette surprise, qui m'a, l'espace de quelques minutes, totalement déconfinée.

J'ai éclaté en sanglots. J'ai, oui, absolument, ressenti de la joie, forte, et j'en ai pris la mesure: ça faisait longtemps.

Il m'a envoyé les photos qu'il avait gardées, avec mes filles, son cousin, chez nous, dans notre voiture. Et celles de comment il est maintenant: en forme, souriant. Nous avons échangé quelques minutes. Je m'en suis voulu de ne pas avoir osé garder ce lien. Je lui ai été reconnaissante de le renouer.

Et rien, je vais bien sûr essayer de le garder. Une fois que nous pourrons à nouveau bouger, nous nous verrons peut-être, qui sait?

Il y a encore des trucs sympas qui se passent, on dirait.

Pour le reste, on verra.

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