Un peu de... lecture pour le mois sans HORECA - Une amitié
- Chicca Cocca
- 23 oct. 2020
- 4 min de lecture

Texte écrit en septembre 2019, quelques jours après le mariage de mon amie.
"Céline s'est mariée.
Ma Céline.
Elle s’est mariée donc, il y a un peu plus d’un mois, avec Murad. Ils sont ensemble depuis 17 ans et demi. Ils ont une histoire magnifique. Leur mariage a été à leur image, résumé par les badges distribués ce jour là: « Rock’n’Love ». La fête a duré près de 24h et ce qui était évident c’est que tout le monde était ravi d’être là, avec eux, à célébrer leur lien et les liens qu’ils ont tissés avec chaque participant, au fil des ans.
Céline est mon amie depuis 23 ans et des poussières. Je l’ai connue sur les bancs de l’unif’… ou plus précisément, dans les locaux du cercle étudiant où nous avons fait ensemble nos premiers pas dans l’univers des jeunes adultes, entre une soirée et un cours, jusqu’aux diplômes. Je me souviens de la première fois où elle m’a adressé la parole, dans l’auditoire de la fac’ de psycho. Elle avait rêvé de moi, et de mon manteau. Enumérer tous nos souvenirs communs prendrait plusieurs centaines de pages. Le baptême étudiant, les danses endiablées, les fêtes jusqu’à pas d’heure, le passage de calotte, les fous rires, les pleurs dans les bras l’une de l’autre, les victoires, les défaites, les blocus, les nuits blanches à discuter dans le même lit réveillant tous ses colocataires avec nos façons de rire plus bruyante l’une que l’autre. Les chamailleries, parce que deux caractères forts et explosifs ça fait des étincelles, aussi. Il y a eu le voyage dans le sud de l’Italie, à deux: les trains ratés, les bus attendus, le goût des fruits au soleil, le bruit des vagues de la mer de Calabre et de Sicile, les wagons lit partagés. Par phases, nous nous sommes parfois un peu perdues de vue, au gré des parcours professionnels, des lieux de vie, des histoires d’amour respectives, mais jamais longtemps. Nous nous sommes retrouvées à Bruxelles, début des années 2000, chacune dans son studio. Nous avons fait des heures de danse africaine ensemble. Avec les verres au bar et les potes après chaque cours et aux stages résidentiels. Elle m’a sauvée une fois, il y a plus de 15 ans: j’avais fumé et bu (et peut-être qu’un rigolo avait mis quelque chose dans mon verre): je suis partie de la salle où nous assistions à un concert parce que je ne me sentais pas bien. Parce qu’elle connait la moindre de mes expressions et de mes attitudes, elle a compris que quelque chose clochait et m’a immédiatement suivie dehors. Une minute après je tombais violemment dans les pommes. Elle a eu la force de me soulever et de me trainer pour m’appuyer sur le capot d’une voiture. Je suis revenue à moi, je suis retombée. Je n’oublierai jamais son visage inondé de larmes quand j'ai ouvert les yeux, la deuxième fois: elle avait son téléphone en main et était prête à appeler une ambulance parce qu’elle n’arrivait pas à me réveiller. Pour le même prix, si elle n’avait pas été si attentive à qui je suis, ça aurait été quelqu’un d’autre avec moi, dans cette ruelle sombre. Je l’ai connue avant qu’elle rencontre Murad et qu’elle en tombe amoureuse, avant qu’elle construise sa brillante carrière professionnelle, avant qu’elle soit maman. Elle m’a fait l’honneur et le plaisir de me choisir comme marraine de sa première fille, ma magnifique filleule. Puis nous nous sommes éloignées imperceptiblement, mais inexorablement. Nous avons eu la dispute la plus violente de notre relation, qui a failli être définitive. Nous nous sommes dit des choses terribles et vraies. Nous nous sommes fait mal. Je me suis fermée. Elle ne m’a pas lâchée, mois après mois, parce qu’elle est plus forte que moi. J’ai rouvert ma porte. Le jour où nous nous sommes revues, elle m’a serrée et a caché sa tête dans mon cou, avant de dire un seul mot. Nous avons sangloté dans les bras l’une de l’autre, au milieu d’une place bondée, en plein jour, comme dans un film. Ca non plus je n’oublierai jamais. La véritable amitié est celle qui sait dépasser les conflits et devenir plus forte, après. A l’époque j’étais enceinte de ma deuxième fille. Je lui ai demandé d’en être la marraine. Elle a accepté. Nous avons recommencé à tisser la toile de notre amitié. Son mariage, qui arrive à un moment particulier de ma vie, est une autre étape fondamentale de notre histoire. Depuis, nous nous retrouvons encore plus fort. Parce qu’elle sait que j’ai besoin d’elle en ce moment, elle, qui déteste le téléphone, est toujours là à l’autre bout du fil. J’espère qu’elle sait que je suis là pour elle, aussi, comme toujours. J’ai raté des années de fête et de moments à partager avec elle, j’ai commencé à les rattraper. Je ne compte pas non plus me priver de nos discussions vraies, parce que nous ne nous sommes jamais épargné nos vérités, aussi brutales soient elles. Nous nous sommes donné aussi douceur, soutien, sourires, compliments, main posées, bras ouverts, véritable bonheur d’être ensemble. Céline est donc mon amie depuis 23 ans et des poussières. C’est une femme magnifique, intelligente, drôle, courageuse, forte, vivante. Encore félicitations pour ce splendide mariage Céline. Je t’ai déjà dit à quel point je t’admire et je t’aime d’amitié, hein? Mais tu le savais déjà, même avant ce texte, j’en suis certaine.
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