Un peu de... tranches de vie: Le plombier

Voilà que j'entends un drôle de bruit venant du boiler. Comme de l’eau qui coule, là où il ne faut pas. A priori rien n’est mouillé, je ne vois pas de fuite, mais ce bruit n’est pas normal. J’appelle Jules, on décide d’attendre lundi, en croisant les doigts pour que les tuyaux n’explosent pas pendant le week-end. Il me demande quand même: -Tu es sûre que ce n’est pas la petite valve qui avait déjà pété il y a quelques années? Je ne sais pas pourquoi, je dis que j’en suis sûre, alors que je n’ai pas vérifié.

Une heure après, j’entends toujours ce satané bruit d’eau qui coule, je n’entends que ça. Prise d’un doute je vérifie la valve: ben oui, c’est ça, un filet d’eau coule en continu et ce n’est pas censé arriver. Il y a quelques années cela avait doucement mais sûrement vidé tout le boiler. Pas d’eau de tout le week-end (et l’équivalent de la capacité d’un très gros boiler sur la facture. De quoi enrager quand je fais attention à faire mes lessives le week-end ou la nuit).

Je rappelle Jules. Qui appelle le plombier. Qui m’appelle juste quand je pars à l’école chercher les filles. -Nous serons là dans une demi-heure. -Heu… Je vais faire un aller-retour à l’école, il me faut maximum 45 minutes. -Pas de soucis, vous nous appelez quand vous êtes de retour.

43 minutes plus tard, en sueur dans la voiture, la pluie battante couvrant entièrement le pare-brise, à 200 mètres de la maison. Les filles et les cartables et le sac de la collation et le parapluie et mon sac à main: je crois que tout est dans la voiture. j’avais oublié mes lunettes en partant, mais qu’importe, on ne voit quand même rien. Sauf que voilà, je suis coincée derrière un tram, coincé lui-même derrière une ambulance. J’appelle pour prévenir. -Madame, on est rentrés à l’atelier parce que ça roulait bien et nous sommes arrivés chez vous il y a plus de 20 minutes. Si ça se décoince dans les 5 minutes, vous nous rappelez, sinon, on fait demain… Ouais, demain on est samedi… tarif week-end. Et je n’ai pas encore pris de douche aujourd’hui, du coup. J’étais gênée de sortir sans avoir pu laver mes cheveux. -Mince… Je suis tout près… Attendez, attendez, ça bouge, j’arrive. -Ok, on arrive aussi.

Je pousse le bouton de fermeture de la voiture en même temps que leur camionnette se gare.

Ouf… Tout est bien qui finit bien. Ils sont très sympas, on rigole avec les filles en montant jusqu’à la porte d’entrée, toujours sous la pluie.

Je les laisse travailler à l’entrée et je vais débarrasser les filles et les sécher un peu. -Madame, ça coulait en continu? -Oui, oui, bien sûr. Et ça faisait un bruit pas normal. -Oui, ben, là, il y a rien. -Mais j’ai coupé l’eau, c’est normal. -Oui, bien sûr on a vu, et là on a rouvert. Ca ne coule pas. Il n’y a rien.

Je fais couler l’eau de la cuisine. Chaude, froide. Rien. Je tire la chasse. Rien. On attend en fixant la valve. Rien. Tout va bien. Ca ne coule plus.

-Je vous jure que ça coulait. -On vous croit. C’est qu’il a changé d’avis. Je ne réponds pas. -Ecoutez, vous avez l’air si triste, si vous voulez on change la pièce, comme ça on est pas venus pour rien et vous vous allégez de quelques billets! Cette fois je souris un peu à la blague. -Peut-être que vous étiez au bout de la réserve d’eau chaude et qu’il se remplissait, c’est normal alors… -Heu… Mais… Pour vider ce boiler il faut une famille de 16 personnes. La seule eau chaude sortie depuis ce matin est celle de la douche de David. Je leur dis. Ils continuent à sourire.

Ils sont gentils, super gentils. Je me sens quand même très bête, la nana qui n’y comprend rien, devant deux gars mi-amusés, mi-compatissants. J’ai horreur de ça, mais impossible de leur en vouloir, ils gardent le sourire, ils ne vont rien me facturer. Plus que corrects.

On en rit donc et ils repartent de bonne humeur. Je m’excuse du dérangement. Je suis sûre que 5 minutes après leur départ, ça va recommencer. Je leur dis, avant de fermer la porte. -Ben alors, vous me rappelez, je travaille demain, pas de soucis. Demain. Samedi.

Il y a des jours comme ça.