Un peu de... tranches de vie - Anaïs et Sélène: réfugiés, gentils et méchants

Cet après-midi, à la maison. Je suis en train de faire un petit virement au groupe citoyen "2 euros 50", pour financer quelques repas pour les réfugiés du parc (oui, oui, là j'en profite pour le faire connaître). Anaïs, 8 ans: -Maman qu'est-ce que tu fais? -(soupir: comment expliquer la complexité de la situation à mes petits bouts, sans les embrouiller ou les effrayer?) Bon. Je paie quelques repas pour tous ces gens qui fuient la guerre et qui dorment dehors, sans rien, ici dans notre ville. -Tu vas les distribuer? -Non. C'était aujourd'hui la première distribution, mais je n'avais pas envie de vous emmener. -Pourquoi? -(soupir: aïe, ça se complique) Et bien, parce que la police ces jours-ci les arrête, parce qu'ils ont pas de papiers. Mais c'est normal qu'ils ne les aient pas, ils fuient la guerre, ils ont pas le temps de prendre leurs documents (heu... plus ou moins, c'est ça). -Mais c'est pas juste! -Non. -Pourquoi ils font ça? C'est leur chef qui dit de faire ça? -Oui. -Alors ils sont obligés? -(soupir) Heu... Oui et non. Anaïs, c'est compliqué. Ils doivent obéir, mais c'est pas juste, alors... Sélène, 3 ans, a tendu l'oreille. -La police va nous arrêter si on y va, maman? -Heu non, pas nous. Puis la police n'arrête pas les enfants, c'est pas légal. Anaïs: -Et les enfants qui dorment dehors, ils les arrêtent? -(soupir) Heu... Oui, parfois. -Mais...? -Je sais. (Silence) Bon, on va dire ça, si la police se calme un peu on pourrait y aller, pourquoi pas, un autre jour. Ou peut-être papa et moi, mais pas vous. Pour l'instant, papa et moi on leur paie quelques repas. (Silence) Bon, les filles, la plupart des policiers sont gentils, ils nous protègent. Mais certains sont pas gentils. Ils devraient protéger tous les humains, mais ils ne le font pas, pour plein de raisons. C'est compliqué (ça fait combien de fois que je le dis?) Anaïs: -Maman et s'il y a des voleurs d'enfants qui volent les enfants qui dorment dehors, la police ne va pas les protéger? -Je ne sais pas choupinette. J'espère que oui (je crains que non). Une minute après, Sélène, qui mélange un peu tout, me rejoint dans la cuisine, où je me demande si j'ai bien fait de leur parler de tout ça. -Maman, moi avec mon épée je vais tuer les méchants policiers. Et puis quand je serai grande, je serai voleuse. -Ah, bon? -Oui, mais je vais voler que les méchants policiers.

Anaïs, qui entretemps joue dans le salon, nous lance: -Bonne idée Sélène. Ca leur apprendra ce que ça fait de ne plus rien avoir.

Bon, finalement elles ont peut-être pigé quelque chose, à leur manière, dans mon charabia. Quand on ne sait pas expliquer à ses propres enfants ce que fait la police du pays où ils vivent, n'est-ce pas le signe qu'il y a vraiment un foutu truc qui ne va pas?

Et lundi et mardi, je vais au colloque "La désobéissance". Mais ça, je leur expliquerai une autre fois.