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Un peu de... 68 premières fois: "Fais de moi la colère" (Vincent Villeminot)


Voilà exactement le genre d’expérience que j’espérais vivre en participant aux « 68 premières fois »: découvrir la beauté d’un roman vers lequel je n’aurais pas été spontanément, que je n’aurais pas acheté ou choisi par moi-même.

A priori : « Ce n’est pas ma tasse de thé » et après-coup: « Quelle chance de ne pas avoir raté ce livre! ».

Ismaëlle est une âme perdue: elle n’a pas connu sa maman, morte en la mettant au monde. Elle a seize ans. Le bateau vide de son papa pêcheur, puis son corps, sont retrouvés dans le lac Léman, au bord duquel ils vivaient à deux.

Orpheline, elle grandit brutalement. Elle va à la rencontre d’Ezéchiel, le fils de l’ « Ogre ». Elle le reconnaît sans l’avoir jamais vu. Il est aussi une âme perdue. Il est né d’une blessure semblable à la sienne, mais dans un tout autre contexte.

Entretemps, un mystère plane autour du lac: des cadavres par dizaines, puis par centaines, affleurent chaque jour à la surface, venus d’on ne sait où.

Ezéchiel, lui, il sait, comme il sait que le temps est venu de son inévitable confrontation à Mammon, l’immonde bête venue se nourrir de ces mêmes cadavres. Il la poursuit depuis une vie mais là, il ne va peut-être pas l’affronter seul…

« Fais de moi la colère » (quel titre magnifique!) , de Vincent Villeminot, paru chez "Les Escales", est plus qu’un conte moderne, c’est une allégorie foisonnante de notre humanité.

Le style est épuré mais débordant de poésie. Chaque mot, chaque phrase, chaque court chapitre: tout est précis et en même temps d’une grande densité. Les interprétations, les symboliques, les clés de lecture sont multiples, innombrables facettes d’une même pierre précieuse, taillée avec une précision d’orfèvre.

Tout y est, sans être nommé: les relations entre l’occident et les pays dits « pauvres », les génocides, les dictatures, le capitalisme effréné qui nous souille, la maternité, la difficulté de la rencontre du féminin et du masculin, la mesquinerie et l’héroïsme, la sexualité et la violence, l’horreur et l’espoir, l’absurdité et la joie d’être vivant.

Impossible de déplier toute la richesse du contenu sans le réduire et le figer, ce livre ne mérite pas un tel traitement.

D’autres lecteurs y découvriront d’autres niveaux, à des profondeurs différentes, ou l’inverse de ce que j’ai cru y trouver; d’autres encore passeront plus ou moins à côté, peut-être déstabilisés par le singulier mélange de réalisme et de mystère.

Charlotte Milandri (une des « fées », comme les chroniqueurs habitués les appellent, à l’initiative du projet) me l’avait écrit dans le petit mot qui accompagnait le livre: « …un roman pour lequel il fait déposer les armes et laisser faire la magie! »

En effet: Il faut plonger dans les pages comme Ismaëlle et Ezéchiel plongent dans le lac Léman : nus et assoiffés, nos idées préconçues laissées au bord de l’eau, à côté des vêtements.

Malgré la crainte des corps inanimés, de la bête, de la vase, des crocodiles, allez-y, c’est beau et plein, revigorant et purifiant.

Le lac est un centre névralgique de l’histoire: nous ne nous en éloignons jamais vraiment, son eau est tour à tour liquide amniotique, paradis transparent, vase ignoble d’où surgit la mort; miroir et fosse, source et perdition des hommes, des femmes et des fantômes.

Mammon est la bête du lac et aussi la bête du ventre, le ventre de chacun d’entre nous, monstre archaïque qui se nourrit du potentiel destructeur présent en chaque être humain. Personne n’est indemne, personne n’est innocent. L’alliance vitale d’Ismaëlle et Ezéchiel leur permettra-t-il de livrer l’ultime combat, et d’y survivre?

N’allez pas trop vite! Relisez les phrases, les passages, les dialogues et laissez éclore la multitude d’images et de réflexions qui surgissent et vous traversent.

Puis il sera temps de tourner la dernière page, de laisser aller Ezéchiel et Ismaëlle, sorte de couple mythique, d’Adam et Eve de notre époque: ils nous montrent tout le bien et tout le mal et nous laissent, grandis, à nos propres combats.

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