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Un peu de... Chroniques en temps de COVID (3)

7 Janvier




Nous hésitions à acheter un téléphone à Anaïs, 12 ans.


Il y a peine deux heures, nous discutions dans la voiture: est-ce qu’elle est prête à rentrer de l’école en bus, seule? On pourrait essayer un jour où nous sommes là tôt: en cas de problème, nous pouvons aller la chercher rapidement. Si elle se perd, par exemple, ma fée tête en l’air. Oui, mais alors il faudrait lui acheter un téléphone pour qu’elle puisse nous prévenir, justement…

Pfff… On verra, comme on se le dit depuis des mois.


17h45. Le papa d'Anaïs est parti la chercher à l’école, j’attends avec Sélène à la maison, en rangeant un peu la cuisine. Le parlophone sonne.

Ah, je me dis, ils sont là, c’est peut-être Anaïs qui veut rentrer pendant que son papa se gare… Il fait très froid, je me dépêche de décrocher.

-Oui?

-C’est Anaïs…

Voix tremblante. Mais oui, il fait froid…

Je sens que quelque chose cloche.

-Ca va, ma chérie?

Silence. Sanglots étouffés.

-Maman…

La panique monte.

-Anaïs, qu’est-ce qui se passe?

-Maman, est-ce que papa est là?…

D’un bond, j’ouvre grand la porte d’entrée, je crie sur le palier:

-Tu n’es pas avec papa?

Gêne, peur… -Non…

-Mais t’es rentrée comment alors???

Je cours pour attraper mon téléphone, voir si son papa m’a laissé un message.

Je répète: -Tu es rentrée comment? Tu es rentrée comment? Tu es rentrée comment?

Les scénarios catastrophe se bousculent dans ma tête.


Anaïs arrive sur le seuil, frissonnante, les yeux rouges de pleurs, son masque tout de traviole.

-Tu es rentrée comment????

-En bus…

J’appelle son papa pour le prévenir qu'Anaïs est à la maison.

-Ah, c’est pour ça que je ne la vois pas sortir de l’école… Mais qu’est-ce qui s’est passé?

-Ben rentre, elle est là maintenant, je vais essayer de comprendre.


Je passe les détails.

Malentendu sur l’heure. Anaïs a cru que nous l’avions oubliée (?????) ou qu’il nous était arrivé quelque chose.

Elle a attendu, attendu, puis a été à l’école de Sélène, puis à la boulangerie où Sélène et son papa s’arrêtent parfois acheter des pâtisseries, puis elle a attendu au rond-point, se disant que forcément son père allait passer par là, puis elle a douté, alors elle a pleuré, il faisait de plus en plus froid et noir, son lourd cartable sur le dos…

Elle a pensé demander à quelqu’un dans la rue de la laisser nous appeler, mais a eu peur de tomber sur une personne « pas bien », elle n’a pas osé. En désespoir de cause, terrorisée à l’idée que nous soyons fâchés de son initiative, elle s’est rendue à l’arrêt de bus, le bon.

« J’ai vu que le bus arrivait dans quatre minutes, alors, maman, je l’ai pris. J’avais pas mon abonnement sur moi, mais je ne savais pas quoi faire d’autre. Maman, j’ai eu tellement peur, j’ai pleuré au moins cinq minutes! ».


Evidemment je l’ai prise dans mes bras. Evidemment elle s’est liquéfiée en sanglots, épuisée par son aventure.

J’avais déjà mis son pyjama sur le radiateur de la salle de bain, pour qu’il soit chaud après sa douche.

Beaucoup, beaucoup de larmes et de câlins après, tout va bien.


Je lui ai dit à quel point je suis fière. à quel point elle peut l’être d’elle-même, à quel point elle a fait tout ce qu’il fallait. Je lui ai dit que je ne suis pas fâchée du tout, juste tellement désolée qu’elle ait eu si peur.

Mon épatante Anaïs.


Et demain, on lui achète un téléphone.

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