Un peu de... Chroniques en temps de COVID (2)
8 décembre 2020
Mon Anaïs a eu 12 ans dimanche, le jour de la Saint Nicolas
Rapporter ses "petits mots" du quotidien devient difficile, elle grandit, elle a un jardin secret, elle est très réservée... Elle écrit et lit beaucoup et en cela cela elle me ressemble... On continue d'avancer sur le chemin de notre relation, avec des moments de grande complicité et tendresse et d'autres où on se cherche et on ne se trouve pas tout de suite.
Je continue d'être émerveillée devant l'éclosion d'une jeune fille, ce parcours qui se déroule en alternant fragilités et explosions, détresses torrentielles et éclats de rire.
Aujourd'hui, pour illustrer cela, discrètement:
J'ai repris le volant après des mois, depuis avant le premier confinement. (Ca va, j'ai retrouvé le chemin de l'école à chez moi).
Entretemps, Anaïs a commencé à aller dans sa nouvelle école, en secondaire. Grande première donc: elle doit maintenant marcher de son établissement à celui de Sélène et là je les récupère toutes les deux. Premier truc de "grande" et j'avais peur, je n'étais pas rassurée: en est-elle capable, sans paniquer, dans le noir de l'hiver?
J'étais là, dans la rue, avec Sélène, à l'attendre devant l'école primaire.
Elle est arrivée en grande conversation avec une amie qui prenait le même chemin. Veste ouverte alors qu'il gèle, masque bien en place parce que maintenant elle est obligée, sa nouvelle coupe de cheveux faite par une copine, chez nous le week-end passé (sa copine s'est très bien débrouillée, pas mal par temps de pas de coiffeur), coupe qui la fait sembler tellement plus âgée.
Elle est arrivée près de nous:
"J'ai couru maman, tu as vu? Ah, ce cartable me fait mal au dos. et aujourd'hui, C. était pas là alors c'était fichu pour notre présentation sur le harcèlement scolaire... Elle est où la voiture?"
Qu'est-ce que j'ai été émue, et fière.
Mais je n'ai rien dit bien sûr, et j'ai repris le volant, redécouvrant mes réflexes d'avant et le plaisir de rentrer chez nous, même s'il y a encore les devoirs-les douches et le souper à faire.
La vie continue malgré tout, certaines choses reprennent, d'autres changent.
Et Anaïs reste mon plus beau cadeau de Saint Nicolas depuis 12 ans.
10 Décembre 2020
Sélène, 7 ans, ma petite philosophe.
-Maman, est-ce qu'on peut rêver si on n'existe pas?
-Non, je ne crois pas, mais je ne sais pas, parce que j'existe.
-Ben, non, si on n'existe pas on ne sait rien faire, ça ne sert à rien. Donc les dinosaures, ils ne savent pas qu'ils ne savent plus rien faire.
-Heu... je suppose que tu as raison.
-Maman, on sait refaire un dinosaure avec son squelette?
-Heu, tu veux dire avec son ADN?
-C'est quoi l'ADN?
Plus tard, si j'ai le courage, je racontera comment cette conversation a abouti aux cellules et des cellules à comment on fait les bébés.
10 Janvier 2021
Sélène, 7 ans. Hier soir.
-Maman, tu sais, moi je fais des rêves éveillés. C'est des rêves où je décide ce qu'il arrive. J'en ai plein et quand j'ai pas fini je continue le lendemain. Parfois je suis pressée d'être le soir dans mon lit pour les faire.
-Oh, c'est beau Sélène! Et c'est quoi comme rêves?
-Je vais te le dire peut-être, un jour.
-Oui, tu as raison, ce sont tes rêves.
-Ca m'aide à m'endormir, les rêves, même quand j'ai peur du noir ou d'être seule à l'étage. Parfois, j'ai envie que tu partes vite de la chambre pour être seule et commencer mes rêves. J'ai envie de te demander: "C'est quand que tu pars?" Mais je ne te le dis pas parce que tu t'endors un peu près de moi, et si tu es fatiguée ou tu as mal de tête je te laisse te reposer, je veux pas t'énerver.
-Ah! Non, tu peux me le dire, chérie, que tu veux que je parte, quand je traine un peu. Je ne vais pas être vexée, promis.
Là, tu veux que je parte?
-Non, parfois j'ai envie que tu restes près de moi le plus longtemps possible. Tu me fais des doudouces?
12 Février 2021
Sélène, 7 ans, regarde "Maman, j'ai raté l'avion".
-Maman, mais les pièges de Kevin sont dangereux, les voleurs peuvent se faire très mal!
Je lis, donc je réponds distraitement:
-Ouais, mais bon, eux ils veulent le tuer, alors...
-Pourquoi?
-Ben, pour voler tout ce qu'il y a dans la maison!
Pause. (Signe d'activité neuronale intense chez Sélène)
-Maman, parfois les hommes ils sont bêtes. Je ne les comprends pas.
Je dépose mon bouquin.
-Pourquoi, Sélène?
-Ben, pour voler, il suffit de regarder dans une maison et si elle vide on vole, s'il y a des gens on s'en va. Pas besoin de tuer!
Sélène, future juge. Ou future voleuse?
14 Février 2021
Sélène, 7 ans.
-Maman, tu as un zoom aujourd'hui?
-Un Skype, oui, à 15h.
-C'est un avec des amis, un avec des gens du travail mais qu'on connaît, un avec des gens du travail qu'on connaît pas et où tu écoutes, un avec des gens du travail où on te voit pas, un avec un patient ou un où tu écris et tu parles?
-Heu... Un avec des amies.
-Ah, alors on peut être dans la pièce et passer derrière toi?
-Oui, bien sûr.
-Parce que tes amies nous connaissent et on les connaît.
-Oui.
-Mais tes patients, on ne les connaît pas et ils nous connaissent pas.
-Voilà.